1 - A Charavines, on n'était pas doué pour la taille du silex
    
    L'examen des milliers de pièces de silex, surprend par le faible nombre 
    de ce que les spécialistes appellent des outils, c'est-à-dire 
    d'instruments destinés à un usage particulier, de forme précise 
    et finement affûtés pour une efficacité maximum. Guère 
    plus de 600 étalés sur 40 ans d'activité dans une communauté 
    d'une cinquantaine de personnes, cela fait bien peu compte tenu des usures 
    et des fractures ! Les plus " beaux " de ces outils sont dans un 
    silex importé d'ailleurs pour les bonnes qualités techniques 
    du matériau et probablement déjà façonnés 
    par des artisans spécialisés ; beaucoup sont aussi issus de 
    rognons de silex trouvés en abondance dans les alluvions glaciaires 
    locales, mais ceux-la sont taillés assez grossièrement pour 
    en faire des outils et ils ne témoignent pas d'une grande habileté 
    du tailleur de silex. 
    Pour des usages plus courants, moins spécialisés, des milliers 
    d'éclats coupants ou raclants (comme les 500 microdenticulés 
    pour le nettoyage des fibres textiles) sont obtenus en tapant, sans soin ni 
    précaution, sur des rognons ou des galets de silex au potentiel mécanique 
    médiocre.
    
    En quelques mots, à Charavines on utilisait un outillage de qualité 
    fabriqué par des " pros ", comme on dit aujourd'hui, car 
    dans le village même, les compétences dans ce domaine étaient 
    assez limitées, non par absence de talent (voir l'atelier 
    de taille qui a produit des outils de bonne qualité) mais par facilité 
    : pourquoi s'évertuer à faire moins bien ce qu'on est capable 
    de trouver d'ailleurs et de " payer ".
    
    C'est un phénomène général qui s'observe dans 
    la plupart des sites du Néolithique final en Europe : il y a des ateliers 
    de taille spécialisés, implantés sur des gisements de 
    bon matériau, qui exportent leur production, souvent très loin, 
    dans des sociétés où croissent la richesse et les échanges. 
    
La 
    panoplie des outils de silex
    
    Revenons sur les outils de silex indispensables dans leurs rôles spécifiques. 
    Ils étaient complétés, comme on le sait par le matériel 
    d'autres gisements, par un outillage en os et en dent dont rien ne fut retrouvé 
    à Charavines, les éléments osseux étant très 
    mal conservés à cause d'un chimisme particulier des couches. 
    
    Des tâches très spécialisées ne pouvaient être 
    effectuées que par des outils réservés à un usage 
    précis et souvent exclusif : le couteau à moissonner ne servait 
    qu'à la récolte des céréales et d'autres étaient 
    destinés à certains travaux sur le bois comme les mortaises 
    ou l'évidement. Il en est de même pour le travail de la pierre 
    : percement des fusaïoles ou des pendentifs, etc. On doit penser la même 
    chose des "racloirs " pour gratter ou racler le bois, les peaux 
    ou l'os, des perçoirs et becs pour percer, des denticulés pour 
    scier le bois ou la corne, etc.
    
    Il y avait aussi des outils polyvalents comme les couteaux (ou poignards), 
    les lames retouchées qui, la tracéologie l'a bien montré, 
    servaient à couper la viande, les plantes dures (roseaux pour faire 
    les toits, etc.), à racler des peaux ou des os, en un mot l'outil à 
    tout faire indispensable dans la poche d'un paysan ! Tous, d'ailleurs, dans 
    un matériau non autochtone donc de très bonne qualité. 
    
    
    Les statistiques nous indiquent que leur nombre est très faible même 
    si leur utilité est manifeste : 550 outils en 40 ans dans cinq familles, 
    cela fait moins de trois outils par an et par famille de cinq à dix 
    personnes
 C'est peu même si on sait que, lors du premier abandon, 
    tout ce qui était utilisable a été emporté : nous 
    avons retrouvé 264 outils sur le premier sol et 329 sur le second que 
    nous avons vu abandonné à la hâte. Ce dernier chiffre 
    traduirait mieux la réalité de l'outillage.
    
    On comprend ainsi la nécessité d'avoir recours, dans la vie 
    quotidienne, à des silex moins formalisés issus des éclats 
    de taille variables en matériau local qui ont été utilisés, 
    sans qu'il soit toujours possible de le discerner par un examen rapide. 
Outils 
    spécialisés et outils à usage unique
    
    A Charavines, comme dans pratiquement tous les 
    gisements de la fin du Néolithique, deux séries d'outillage 
    se distinguent nettement:
    
    - quelques pièces finement modelées et retouchées pour 
    obtenir des "outils" de qualité, efficaces et spécialisés 
    comme des racloirs et scies à encoches, des perçoirs, des racloirs 
    bifaces, des lames appointées ou non et des pointes de flèches. 
    C'est une technique d'élaboration bien au point, mise en uvre 
    avec art et habileté. Mais leur nombre peut paraître faible compte 
    tenu de la durée d'occupation et de la population : moins de cent pour 
    chaque village. Ce fait, qui étonnait fort le professeur A. Leroi-Gourhan, 
    traduit leur qualité et leur long usage.
    - la plupart des outils de silex ne sont pourtant que des éclats grossièrement 
    tirés d'un rognon avec un percuteur de pierre; ces éclats épais, 
    souvent sans forme bien définie portent quelques retouches aménageant 
    un mauvais tranchant de racloir ou des encoches multiples. C'est l'outil confectionné 
    rapidement et sans soin particulier au moment de l'utilisation et destiné 
    à être jeté ensuite.
    Aux "outils" véritables, qu'ils soient en bon matériau 
    et longtemps utilisés ou en silex local et rapidement abandonnés, 
    le tranchant brut de très nombreux éclats a servi sans aménagement 
    spécial à de multiples fins; eux aussi sont le plus souvent 
    à usage unique et jetés après utilisation.
Pas 
    de lames dans l'outillage
    Mis à part les lames en silex pressignien, il 
    y a très peu de débitage laminaire ou lamellaire. Il y a seulement 
    deux vraies lamelles (Pl. 13 - 5 et 7) et 
    une porte un "lustré de faucille" caractéristique.
    A-t-elle été emmanchée pour servir de faucille alors 
    que l'on sait que 
    les céréales étaient coupées avec des "couteaux 
    à moissonner" (voir
    plus loin).Elles ne semblent être en silex local.
2 
    - D'où venait le silex ?
    
    Débitage du silex local
    Si le nombre des éclats issus du débitage 
    sur place des rognons de silex est identique dans les deux couches, la proportion 
    entre les gros (plus de 1cm de long) et les petits n'est pas la même. 
    On ignore si cela provient de la qualité différente du matériau 
    travaillé ou bien si la technique de taille s'est modifiée entre 
    les deux occupations. Ce qui pourrait paraître un détail montre 
    la rapidité des variations dans les procédés de fabrication, 
    pourtant considérés comme traditionnels ou les sources d'approvisionnement 
    en matière première. Tradition, oui, mais évolution lente 
    et continue 
Les éclats et les nucléus, résidu du débitage de la pierre, sont nombreux et prouvent la taille et le façonnage des outils dans le village lui-même à partir de rognons en silex gris ou bleuté, de piètre qualité, ramassés dans les alluvions morainiques voisines. Certains gros éclats, qui jonchaient le sol du premier habitat avaient été touchés par l'incendie; les nouveaux occupants les ont retrouvés et retaillés pour une nouvelle utilisation, une quarantaine d'années plus tard. A Charavines on avait le sens de l'économie...
 
    Le Grand-Pressigny
    
    Quelques outils de silex, de teinte ambrée, 
    ont été soumis à l'examen de Nicole Mallet, spécialiste 
    du silex du Grand-Pressigny. Voici son avis en 1976 :
    "Pour ce qui concerne vos pièces, le critère de la couleur 
    ne peut être retenu. Aucune d'el-les, d'après les notes que j'avais 
    prises, ne présente la traditionnelle teinte blonde. C'est bien davantage 
    la "qualité" du silex qui permet de se prononcer. Vos pièces 
    sont tirées d'un silex "gras", opaque, parsemé de 
    petites tâches blanches ou jaunes caractéristiques mais surtout 
    de très nombreux et non moins caractéristiques petits points 
    scintillants bien visibles en lumière rasante. Il s'agit de nombreuses 
    microcristallisations très particulières à nôtre 
    silex turonien que jusqu'ici nous n'avons pas remarquées dans d'autres 
    silex régionaux ou autres". D'autres examens et analyses ont 
    été pratiqués qui ont confirmé le premier diagnostic 
    de Nicole Mallet (1990 et 1992).
    
    La présence à Charavines de pièces en silex du Grand-Pressigny 
    est très importante, tant pour la connaissance des échanges 
    commerciaux au Néolithique final dans les Alpes du Nord, que pour une 
    datation précise de certains ateliers de taille d'Indre-et-Loire.
    Au point de vue technologique on remarquera la très bonne qualité 
    du débitage et de la retouche des 69 outils importés (Pl. 
    1 à 10) ; on y retrouve tous les poignards (sauf un, Pl. 
    1 n°2), une lame brute, un racloir à encoche, une pointe de 
    flèche et un éclat microdenticulé. 
Autres 
    provenances
    
    Les ateliers de taille du Vercors, s'ils existaient 
    déjà, n'ont pas exporté leurs produits à Charavines. 
    Par contre les ateliers bien plus éloignés du Grand-Pressigny, 
    en Touraine, ont alimenté le village en lames brutes, lames retouchées 
    et "poignards". Mais de nombreux silex ont manifestement leur origine 
    hors de la région sans qu'il soit possible d'en dire plus, si ce n'est 
    que les spécialistes du silex du Vercors (Vassieux, Méaudre, 
    etc.) n'en ont pas vu trace à Charavines.
    Quelques pièces de silex rouge, brun ou très sombre sont manifestement 
    en matériau importé sans que l'on puisse actuellement en dire 
    plus ; leur nombre excessivement réduit n'incite pas à la recherche 
    de l'origine. 
    
    3 - Les manches collés
    
    Si la plupart des outils ordinaires et jetables servaient sans emmanchement, 
    par contre ceux qui étaient très élaborés et utilisés 
    longtemps possédaient un manche. Bien que très rarement retrouvés 
    intacts, ceux-ci sont attestés par des traces de frottement laissées 
    sur le silex et que détermine la tracéologie.
    Beaucoup de ces manches étaient fixés dans du bois par une colle 
    qui adhère encore fortement au silex (Pl. 
    38-1). L'analyse montre qu'elle provient de la cuisson de la gomme de 
    bouleau jusqu'à l'obtention d'un brai noir : la bétuline (analysée 
    par M. Bourgeois, CESAMO Université de Bordeaux I, Talence ). 
4 - UN OUTIL BIEN PARTICULIER... LE MICRODENTICULE
Le 
    nombre des microdenticulés en silex utilisés au nettoyage des 
    fibres textiles (dans la couche inférieure ils ne sont que 31 pour 
    401 dans la couche supérieure) est très différent entre 
    les deux niveaux ; cela traduit une modification des processus techniques.
    Ce sont des outils très spéciaux fabriqués surtout au 
    cours de la deuxième phase d'occupation. De formes et de dimensions 
    variées ce sont toujours des éclats dont un ou deux tranchants 
    ont été retouchés par de minuscules enlèvements 
    contigus, créant ainsi une très fine denticulation, comme une 
    scie. Connus sur d'autres sites par quelques exemplaires seulement, Charavines 
    en a livré 438, ce qui a permis de mettre au point pour la première 
    fois leur description et leur classification méthodique (Micro Pl. 
    76 à 100).
    
    Les traces laissées par l'usage sur ces pièces montrent qu'elles 
    ont servi à racler des plantes dures mais non ligneuses (Plisson 
    1988-90, Coll.). La même constatation a été 
    faite sur des microdenticulés du Danemark, du centre de la France et 
    de Belgique. 
    Ils ont nettoyé par raclage les fibres des feuilles ou des tiges en 
    vue de fabriquer des fils textiles utilisés dans les tissus, les ficelles, 
    les cordes, etc. Très rares comme nous l'avons vu, ces outils se retrouvent 
    pratiquement toujours près de l'eau, lacs, rivières, marais 
    tant au Danemark, en Belgique qu'en France, depuis le Ve millénaire 
    av. J.C. ; les plantes aquatiques comme les joncs ou les roseaux devaient 
    être une matière première textile appréciée 
    au Néolithique.
5 
    - LES POIGNARDS (Pl. 
    1 à 10) 
    
    Des outils de prestige
    Parmi les divers outils en silex, les "poignards" 
    sont particulièrement spectaculaires par leur forme et leur taille; 
    ce n'étaient pas des armes mais des couteaux qui copiaient en pierre 
    les lames en cuivre que commençaient à connaître certaines 
    populations néolithiques d'Europe. Encore rare et cher le métal 
    était réservé à quelques groupes privilégiés 
    du centre et du sud de l'Europe et le poignard devenait un objet de prestige 
    pour ceux qui en possédaient; les autres se contentaient d'imitations 
    en pierre. Bien qu'exceptionnels dans leur aspect ils servaient à des 
    fins tout à fait ordinaires: les analyses de traces d'utilisation sur 
    les tranchants ont montré que la plupart avaient servi à couper 
    des végétaux durs et de la peau. 
    
    Les grandes lames d'où ils étaient façonnés provenaient 
    des bords de la Loire, de la région du Grand-Pressigny. Si quelques 
    poignards nous sont parvenus entiers, d'autres ont été fracturés 
    au cours de leur utilisation, car ces longues lames en pierre étaient 
    fragiles et de faibles chocs les fracturaient. Les fragments, soit les poignées, 
    soit les pointes étaient alors employées à d'autres usages 
    après quelques aménagements: pointes de flèches, perçoir, 
    racloir, couteau à moissonner, etc.
    
    La plupart étaient emmanchés 
    
    La délicatesse des gestes de fouille et aussi l'habileté des 
    archéologues-plongeurs ont permis que soient dégagés 
    cinq poignards en silex encore pourvus de leur fragile emmanchement, exceptionnellement 
    bien conservés (Pl. 2 à 6). 
    
    Ces pièces dont trois sont actuellement les plus complètes d'Europe 
    aident à mieux comprendre comment étaient montés, à 
    l'origine, la plupart des lames de poignards retrouvées en grand nombre 
    sur les gisements terrestres.
    
    - manche constitué d'une plaque d'écorce de bouleau repliée 
    à la forme de la poignée et maintenue serrée par une 
    ligature au fil fin (Pl. 2).
    
    - manche constitué par une plaquette de hêtre munie d'un pommeau 
    plat, collée sur le silex par de la bétuline et maintenue par 
    une ligature serrée d'un fin rameau écorcé de sapin, 
    dont les spires sont fixées par une petite ficelle qui évite 
    leur écartement (Pl. 3) .
    
    - manche formé par un simple enroulement des deux brins d'osier, l'un 
    parti du sommet de la lame et l'autre à partir du centre :; ils se 
    rejoignent au milieu de la poignée en une sorte de nud (Pl. 
    4).
    
    -sur deux autres poignards il ne reste que des éléments de manche 
    : enroulement de tiges de lin sur un matelassage des fibres végétales 
    (Pl. 5) et enroulement de fil fin sur une écorce 
    de bouleau (Pl. 6).
    
    Ce sont donc des documents de première importance d'autant que des 
    pièces de manches en cours de fabrication permettent de reconstituer 
    les gestes de l'artisan qui les confectionnait.
    En effet, parmi les objets de bois une pièce a été considérée 
    comme une ébauche de poignée avec pommeau grossièrement 
    équarrie (Bois Pl. 20-3) et une autre 
    est une poignée avec pommeau dont la cuvette destinée à 
    recevoir une lame est fracturée (Bois Pl. 
    20-5). Les deux sont en érable. 
    
    Cinq poignards emmanchés, cinq modes d'emmanchement différents. 
    Chacun mettait sa fierté à imaginer un manche à sa façon, 
    qu'il réalisait avec habileté et personnalisait ainsi cet outil 
    de prestige. A ce sujet nous renvoyons à celui que portait "Oetsi", 
    l'homme du glacier du Similaun, qui lui aussi présentait un manche 
    différent de ceux de Charavines. 
6 - LES RACLOIRS OU SCIES A ENCOCHES (Pl. 18 à 22)
Ces outils sont assez nombreux dans les deux couches et présentent un intérêt particulier après les analyses tracéologiques : en effet ce sont des couteaux à moissonner dont la tracéologie nous dit que le "manche" était constitué par un anneau de corde passé dans les deux encoches.
Certains ont été utilisés sur leurs deux cotés tranchants d'autres sur un seul. Quelques uns sont en bon silex, probablement importé (un est silex pressignien, Pl. 22-4), les autres en matériau local au débitage plus fruste et aux retouches moins fines. Parmi ceux-ci, un a la particularité d'avoir un tranchant brut, non retouché, le fil de l'éclat étant suffisamment coupant (Pl. 20-6).
La tracéologie 
    détermine les marques laissées par l'usage sur le tranchant 
    des outils de silex, marques qui varient suivant la matière travaillée 
    et le mouvement effectué; elles consistent en esquillage, lustrage, 
    usure, striation, etc. et parfois la combinaison de plusieurs actions.
    Pour diagnostiquer leur origine, le spécialiste les compare sous le 
    microscope à celles obtenues par expérimentation sur divers 
    silex; ceci suppose un nombre 
    très élevé d'essais dont le tracéologue suit les 
    résultats au fur et à mesure de leur déroulement.
    
    Parmi les silex de Charavines, 82 ont subi un examen tracéologique 
    (P. Anderson 1979 ; H. Plisson 1988, 1989 et 1990, Coll. ; P. Vaugham 
    1987 ; H. Plisson 2002), sur lesquels ont été déterminés 
    les mouvements longitudinaux (couper, scier), les mouvements transversaux 
    (racler, gratter, raboter, frotter), les traces d'emmanchement ou d'abrasion 
    intentionnelle hors action de travail. Observation stupéfiante que 
    celle de l'empreinte des doigts sales ayant tenu les faces d'un microdenticulé....
    
    Les matières façonnées reconnues sont les végétaux 
    (plantes souples: céréales, joncs; plantes dures: roseaux; matière 
    ligneuse: bois), les peaux (sèches, humides ou saupoudrées d'abrasif), 
    les carcasses (os et tissus carnés) et les matières souples.
    Si certains outils semblent affectés à une utilisation précise 
    comme les couteaux à moissonner ou les racloirs à peau, d'autres 
    ont eu de multiples usages; ainsi la plupart des grands couteaux, appelés 
    "poignards" à cause de leur double tranchant, ont coupé 
    de la viande, des fibres végétales non ligneuses, de la peau 
    et raclé des plantes dures.
    
    Bien des racloirs et des grattoirs de silex étaient maintenus dans 
    un manche; parfois les traces de brai qui 
    le collait persistent encore mais pour d'autres, seule la tracéologie 
    montre sa présence par la marque du frottement.
    
    Ces manches étaient en bois, en fibres végétales (couteaux 
    à moissonner) et 
    parfois composites associant peau et bois (racloir à peau).
    
    Nous avons été étonnés de la rareté des 
    stigmates de travail du bois alors que ce matériau était très 
    employé pour la construction, les divers manches, les cuillères, 
    les flèches, les arcs, etc.
    Il est fort probable que les silex utilisés étaient de simples 
    éclats dont le tranchant n'avait pas été aménagé 
    et qui étaient jetés après emploi. Les études 
    tracéologiques sur les milliers d'éclats retrouvés restent 
    à faire pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.
    C- LES HACHES
    
    Parmi les restes laissés sur le sol à Charavines, c'est par 
    milliers que se comptent les branches, les troncs et les copeaux portant la 
    trace de coups de hache. Si l'immersion a permis la bonne conservation des 
    déchets, elle a préservé aussi tous les éléments 
    qui constituaient les haches.
    
    Bien sûr, le site de Charavines n'offre pas toute la gamme des diverses 
    haches ou cognées connues au Néolithique comme elles existent 
    dans les nombreux gisements lacustres suisses ; mais ces derniers couvrent 
    une aire géographique étendue et une période d'au moins 
    deux millénaires pendant laquelle la hache varie en fonction du temps 
    et des influences culturelles ou techniques; ceci n'est pas le cas ici dans 
    un seul village dont l'occupation s'étale sur moins d'un siècle.
1 
    - Les manches (Bois Pl. 
    1 à 4)
    
    C'est un élément très rare actuellement en France, puisqu'il 
    faut des conditions très particulières pour les conserver, des 
    sites immergés ou humides. A Charavines sept manches entiers et de 
    nombreux fragments permettent d'en décrire la fabrication et d'en comprendre 
    l'utilisation.
    
    Tous les manches sont tirés de troncs d'érable, éclatés, 
    dégrossis et modelés à la hache puis raclés au 
    silex. Longs de 60 à 80 cm, ils sont rectilignes ou parfois légèrement 
    cintrés et toujours terminés par un élargissement qui 
    permettait une meilleure tenue en main. Cet élargissement était 
    habituel à cette époque car il se retrouve sur la dalle gravée 
    de Locmariaquer. A l'autre extrémité, le manche a une lourde 
    et robuste tête qui recevra la lame à l'intérieur d'une 
    mortaise carrée ou rectangulaire, soit directement (Pl. 
    3-2), soit par l'intermédiaire d'une gaine. Cette partie était 
    assez épaisse pour alourdir l'outil le rendant plus efficace et aussi 
    pour que les bords de la mortaise résistent bien aux chocs. C'est d'ailleurs 
    le point faible des manches dont les joues de la mortaises éclatent 
    lors de l'usage : hormis le manche intact et apparement non encore utilisé 
    (Pl. 1-1), tous ont été abandonnés pour cette cause. 
    
    
    S'il n'a été retrouvé aucun ciseau ou bédane en 
    os pour creuser les mortaises, d'autres sites en possèdent et les expériences 
    de M. Noël (1980 et 1982 Coll. ; Noël 1988, Bocquet 1985 et 1988) 
    ont démontré leur efficacité.
2 
    - Haches et herminettes
    
    Quand le tranchant de la lame est parallèle à l'axe du manche, 
    c'est la hache habituelle qui s'utilise par des coups latéraux, obliques 
    ou verticaux pour couper et fendre.
    
    Mais il est un autre montage où le tranchant de la lame est placé 
    perpendiculairement à l'axe du manche: c'est l'herminette, utilisée 
    en coups verticaux d'avant en arrière pour creuser, équarrir 
    les troncs, aplanir une surface. C'est outil du charpentier par excellence 
    (ou pour creuser les pirogues monoxyles), toujours léger avec un manche 
    court car manié d'une seule main.
    
    A Charavines un manche d'herminette court ne présente pas d'élargissement 
    à son extrémité proximale car l'outil n'en a pas besoin 
    pour être correctement tenu (Pl. 4-2 
    ). Ne serait-ce sa faible longueur, il est du même principe qu'un manche 
    de hache; même tête lourde, même mortaise pour recevoir 
    la gaine. 
    
    Un autre type d'herminette existe aussi avec un manche très élaboré 
    en érable (Pl. 4-3). Court et massif, 
    sa tête est perforée d'un large trou transversal et sa face inférieure 
    est creusée d'une rainure asymétrique.
    La conformation de la pièce amène à penser que ce manche 
    était armé d'une lame d'os courbe solidement fixée par 
    une ligature. Plusieurs essais ont été pratiqués pour 
    trouver la nature de la lame : ne convient qu'une vraie côte droite 
    de bovidé dont l'apophyse raccourcie se loge exactement dans la rainure 
    du manche, ce qui l'empêche de glisser après ligaturage.
    Avec son extrémité bien affûtée la côte ainsi 
    montée constitue une herminette très efficace même si 
    l'aiguisage devait en être fréquent. La présence de cet 
    outil exceptionnel, et encore inconnu des préhistoriens, explique la 
    netteté des entailles visibles sur des petites pièces de bois, 
    entailles semblables à celles que laisserait une lame métallique.
    
    En effet, je me suis souvent demandé s'il n'avait pas existé 
    de haches en cuivre qui auraient pu laisser des tranches de coupe aussi nettes 
    : rien ne permet d'affirmer que de tels outils ont été utilisés, 
    ayant été emportés lors des abandons. Des instruments 
    armés d'une lame d'os bien affûtée peuvent expliquer des 
    entailles franches mais la présence de haches métalliques reste 
    toutefois posée.
3 
    - Les lames polies (Haches Pl. 
    1 à 5)
    
    A Charavines, comme dans tout le sud-est français, seules les roches 
    vertes sont utilisées: éclogites, omphalites, serpentines, etc. 
    (voir en annexe les analyses de M. Ricq de Boüard). Dures et fibreuses, 
    elles ont été façonnées par bouchardage (ou piquetage) 
    ou sciage avec une ficelle ou une lame de bois agissant dans du sable mouillé 
    (Pl. 4-2), avant d'être polies.
    Toutes devaient armer des gaine à l'exception d'une seule dont le talon 
    est pointu pour s'insérer dans la mortaise d'un manche à emmanchement 
    direct (Pl. 3-2).
 
    Une, retrouvée en de multiples fragments éparpillés a 
    dû éclater sous l'action de choc (Pl. 
    2-1); a-t-elle servi de coin ?
    
    On remarque que seulement une hache et un tranchant de hache proviennent du 
    premier village sur les 16 retrouvées.
L'affûtage 
    des lames et réparation des haches
    
    L'usage ébrèche rapidement le tranchant des lames polies nécessitant 
    un aiguisage fréquent et il arrivait parfois qu'elles cassent à 
    l'intérieur de leur gaine (Pl. 24-1). 
    Dans les deux cas il était nécessaire de sortir la gaine du 
    manche pour changer la lame ou pour l'affûter plus facilement sur le 
    polissoir en grès (Pl. ). C 'était une opération délicate 
    car le tenon de la gaine était bien serré dans la mortaise du 
    manche. 
    
    A Charavines une astuce technique a été employée, inconnue 
    encore en Europe: à l'arrière d'un manche un petit trou carré 
    permet d'éjecter la gaine sans effort et sans dommage pour le manche 
    (Pl. 4-1).
Les 
    gaines en bois de cerf (Pl. 23 et 24)
    
    Peu de gaines ont été retrouvées 
    et souvent en bien mauvais état de conservation : comme les os et le 
    bois de cerf elles ont "fondu" dans les sédiments encaissants. 
    On reconnaît pourtant les gaines à tenon simple dégagé 
    (Pl. 23) et à tenon à ailette 
    (ou ergot) bien marquée (Pl. 24 - 1 et 2). 
D - MATÉRIEL DE BROYAGE ET DE PERCUSSION
J'ai séparé les meules des polissoirs un critère pétrographique : les meules sont en granit et les polissoirs en molasse
Les 
    Meules
    De taille variée, entières ou fracturées 
    il y en avait généralement une par maison. Mais leur enfoncement 
    dans la craie n'a parfois pas permis d'être sûr de la couche d'origine 
    : nous les situons pourtant après avoir confronté des détails 
    de fouille. 
Les 
    Broyeurs
    Toujours en quartzite
Les 
    Percuteurs et bouchardes
    toujours en quartzite
Les 
    Polissoirs
    Toujours en molasse.
Les 
    Aiguisoirs et lissoir
    En molasse.
Les 
    plaques à cuire
    en molasse.
LES OUTILS ET OUTILLAGE EN PIERRE

Signification des figurés
    - Les actions:
    trait continu: mouvement longitudinal (couper, scier)
    trait discontinu: mouvement transversal (racler, gratter)
    croisillon: emmanchement
    - Les matières:
    2: matière végétale; 22: plante souple (céréales, 
    jonc)
    23: plante dure non ligneuse (roseau)
    322: peau sèche
    329: peau
    3223: peau sèche saupoudrée d'abrasif.














L'appel de la bibliographie se présente sous deux aspects : 
    nom et année à retrouver dans la bibliographie générale,
    ou nom, année suivi de " Coll. " (collectif)  se trouve dans 
    la liste Collectif 2005, dans la Bibliographie. Cette liste regroupe toutes 
    les études non publiées.














