La flore 
    et les graines déterminée par les botanistes témoignent 
    d'un climat bien voisin du nôtre à l'époque d'occupation 
    des rives du lac de Paladru au Néolithique, ce qui concorde avec toutes 
    les études paléoclimatiques des Alpes du Nord mais ce sont des 
    grandes lignes générales pour une vaste région.
    
    Mais nous avons eu des précisions d'un immense intérêt 
    sur l'évolution climatique précise avant et pendant l'occupation, 
    grâce aux analyses de A. Ferhi en 1991 et des dendrologues. Les rapports 
    isotopiques O16/O18 mesurés sur un tronc de sapin et l'évaluation 
    de la production du bois sur le sapin par la dendrologie amènent des 
    résultats totalement concordants : la forme des deux courbes issues 
    des analyses est rigoureusement semblable avant et pendant toute la première 
    occupation, ce qui valide leurs résultats (Figure ci-dessous).
Pendant 
    quelques années avant la présence humaine, on sait, par les 
    observations de terrain, que le climat est suffisamment sec pour faire baisser 
    le niveau du lac et mettre une large bande de plage hors de l'eau de façon 
    permanente. La production de bois diminue et la variation isotopique est très 
    faible ; l'ambiance climatique devenue un peu plus sèche reste constante. 
    
    Au cours de la première occupation le climat s'améliore encore 
    légèrement, par une tendance moins humide et/ou moins fraîche 
    jusque vers l'an 9 du site (2660) avec peu de bois produit annuellement ; 
    puis une petite avancée de l'humidité correspond à une 
    augmentation de production de bois (ans 15/16), lors d'une péjoration 
    sans lendemain. 
    
    Nous ne disposons pas de courbe de production du bois après le premier 
    village mais seulement celle des variations isotopiques qui sont tout à 
    fait claires. Pendant l'abandon, durant une quarantaine d'années, l'ambiance 
    demeure très bonne sans interruption jusqu'au début du deuxième 
    village. Mais là, rapidement une légère péjoration 
    commence, se stabilise puis se dégrade fortement et sans discontinuer 
    à partir de 64/65. Les analyses prennent fin en l'an 69, soit huit 
    ou dix ans avant le dernier départ.
    
    Voici les conclusions de A. Ferhi : " L'étude paléoclimatique 
    met en évidence l'existence, entre 2706 et 2600 av. J.-C., de conditions 
    climatiques qui ne diffèrent pas radicalement de celles que nous connaissons 
    aujourd'hui mais plutôt de pulsations climatiques à plus ou moins 
    long terme. On remarque ainsi des périodes de quelques dizaines d'années 
    marquées par une sécheresse assez considérable suivies 
    de périodes beaucoup plus humides, alternance toujours constatée 
    de nos jours. Ce déficit en eau qui se reflète au niveau de 
    la composition isotopique de la matière organique d'origine végétale, 
    peut découler soit d'une diminution généralisée 
    des précipitations moyennes annuelles, soit d'une augmentation des 
    températures, soit d'une variation conjuguée des deux paramètres. 
    Dans les cycles les plus secs, ce déficit apparaît comme particulièrement 
    marqué par rapport à la moyenne générale de la 
    période considérée et par rapport à l'actuel. 
    "
1 
    - Processus de l'évolution climatique
    
    Ces résultats éclairent toutes les constatations de fouilles 
    et confortent nos interprétations.
    
    Ainsi, le niveau du lac a baissé de quelques mètres au cours 
    d'un de ces cycles de sécheresse, sécheresse plus importante 
    et plus longue que celles que nous pouvons connaître actuellement : 
    les hommes ont pu alors coloniser la berge dégagée à 
    la faveur de ce retrait des eaux.
    
    On a vu par l'étude des couches (cf. plus haut) que les habitants ont 
    pu y vivre sans problèmes pendant plus de 20 ans sans avoir à 
    subir de montées des eaux autres que, peut-être, des inondations 
    automnales très temporaires. Leur départ sera programmé 
    et se fera dans le calme, sans précipitation : sur place ne reste que 
    le matériel cassé ou inutilisable de la couche B.3. Les analyses 
    confirment nos interprétations de fouille.
    
    Durant l'abandon, la couche archéologique issue de l'occupation a pourri 
    pendant 40 ans, noyée par intermittence par des inondations avec des 
    vents probablement assez violents pour charrier et mettre en place les sédiments 
    limoneux stériles de la couche B.2.
    
    La deuxième occupation bénéficie, à son début, 
    du même climat ; pourtant rapidement le temps se dégrade un peu, 
    apparemment sans conséquences majeures. Mais en l'an 64, les conditions 
    de vie sur le site changent, obligeant à un repli et à construire 
    des maisons sur et au-delà de la palissade, sur la partie la plus élevée 
    du village et à abandonner les maisons les plus près du lac 
    (Fig. 61 et 63).
    
    La dégradation se poursuivant, un épisode plus violent force 
    à partir " en catastrophe " vers l'an 77 en laissant sur 
    place une grande quantité d'objets et de matériel encore utilisable 
    (cuillères, manches de hache, vases entiers, etc.). Pour les raisons 
    qu'on a vues plus haut (Erosion des couches) 
    le lac ne redescendra pas. 
    
    Si les habitants de la région ont su profiter d'une longue période 
    de sécheresse, 64 ans auparavant (2743 av. J.-C.), la dendrologie montre 
    une sécheresse cataclysmique que les sapins et les chênes ont 
    mis plusieurs années à surmonter. Les épisodes climatiques 
    dits anormaux sont connus à toutes les époques
    Il est fascinant de pouvoir retracer les aléas de la nature et du climat 
    avec cette précision, dans la succession des évènements 
    d'une occupation qui a duré moins d'un siècle. 
    2- LE PROBLÈME 
    DES PALAFITTES : A CHARAVINES, DES MAISONS A PLANCHER SURÉLEVÉ 
    ? NON ! 
A deux 
    reprises les hommes se sont installés au bord du lac sur la craie lacustre 
    dépourvue de toute végétation : la dendrologie comme 
    les analyses O16/O18 , montrent un assèchement du climat quelques décennies 
    avant leur arrivée qui explique la baisse du niveau du lac.
    
    Outre les raisons climatiques évidentes que nous venons d'éclaircir 
    qui n'obligeaient pas à vivre sur des planchers surhaussés, 
    voici les éléments archéologiques qui nous autorisent 
    à dire que les habitations de Charavines étaient installées 
    directement sur le sol : 
    
    - les foyers d'argile sont posés à plat, directement sur le 
    sol et le poids les a fait parfois s'enfoncer profondément dans la 
    craie lacustre (Fig. 35).
    
    - Quand il y a des planches dans les chapes, c'est seulement à l'intérieur 
    même de la masse d'argile et jamais en dessous : leur rôle ici 
    est de répartir les charges et éviter justement qu'elle s'enfonce 
    comme se fut le cas pour une des premières chapes installées. 
    
    
    - sur plusieurs mètres carrés, le sol de craie limoneuse dans 
    la maison 21 A du deuxième village était recouvert de plusieurs 
    épaisseurs de fragments d'écorces, posés à plat 
    et entrecroisés (Fig. 28 B). C'est 
    une couche isolante reposant directement sur la craie, qui ne saurait constituer 
    un plancher. 
    
    - dans les couches d'habitat, B.3 et B.1, la sédimentologie n'a retrouvé 
    aucun apport d'origine lacustre et si des inondations saisonnières 
    ont pu se produire, elles étaient de faible durée et sans apport 
    de sédiments (Fig. 20).
    
    - contrairement à certains autres sites lacustres, français 
    ou suisses, le terrain entre le village et l'arrière-pays devait être 
    assez ferme en permanence pour qu'il n'y ait pas eu besoin de construire des 
    "chaussées" en bois, pour faciliter le passage entre le village 
    et la rive sèche en cas de montée persistante des eaux. 
    
    - les cartes de répartition de tous les objets, flottables ou non, 
    ne révèlent aucun tri qu'auraient pu effectuer de longues ou 
    puissantes inondations. Ceux-ci sont tombés sur le sol et y sont restés 
    sans beaucoup de déplacements, sauf intervention ultérieure 
    des hommes (dépotoir par exemple).
    A Charavines, la cause est entendue : les maisons structurées étaient 
    construites directement sur sol ferme et sec ; placées au bord de l'eau, 
    elles pouvaient être affectées par des débordements très 
    temporaires du lac, ce qui ne gênait pas trop les activités quotidiennes. 
    
    Par contre, la répartition des vestiges dans les cours ne laisse apparaître 
    aucun tri localisé, aucun effet de paroi qui pourraient laisser penser 
    que les petites structures irrégulières, déterminées 
    par des groupes de pieux de même âge, étaient posées 
    directement sur le sol. La régularité des éparpillements 
    entre les maisons font penser à un espace non cloisonné, libre 
    d'accès : les constructions (pour difficiles qu'elles soient à 
    individualiser) n'étaient pas posés à terre mais devaient 
    laisser un espace sous un plancher placé à une certaine hauteur. 
    C'est pour cela qu'on les attribue à des greniers, de plus faible dimension 
    que les structures habitées.
Plus d'un 
    siècle de travaux en Suisse, en Italie, en Allemagne et en France ont 
    progressivement éclairé cette question de la construction établies 
    en bord de lac: si certains détails prêtent encore à discussion, 
    plus aucun préhistorien n'admet les hypothèses simplistes du 
    siècle dernier de villages entiers installés sur une plate-forme. 
    
    Reste aujourd'hui la possibilité des maisons à planchers surhaussés 
    qui peuvent exister dans certains sites : nous n'envisageons pas ici le problème 
    de toutes les stations littorales, à tous les âges mais seulement 
    les données majeures livrées par les fouilles à Charavines 
    et leurs interprétations pour ce seul site, sans vouloir les généraliser. 
    Que d'autres se servent à leur guise de nos résultats et de 
    nos observations, s'ils le désirent, car les conclusions à Charavines 
    sont prouvées et sans appel
C'est 
    pour cela que je suis très surpris que certains auteurs qui parlent 
    de Charavines, laissent penser, ou disent ouvertement, que nos maisons étaient 
    surhaussées sans amener d'autres preuves qu'une pétition de 
    principe à un schéma qui peut exister ailleurs. Pour Charavines 
    j'ai toujours dit et écrit le contraire, je l'ai souvent démontré, 
    seul ou avec d'autres, et ici je n'expose que la synthèse des arguments.
    
    Sur ce sujet, il y a des dogmatismes...
    Cette fausse opinion court particulièrement autour de Pierre Pétrequin, 
    le fouilleur des lacs du Jura, et de ses étudiants ; la thèse 
    de Claire Tardieu (2005) en est la plus récente illustration qui parle 
    de maisons surhaussées pour les deux occupations de Charavines, alors 
    que je lui en ai longuement explicité toutes les données nécessaires 
    à ses études universitaires.
 J'en 
    suis d'autant plus étonné que c'est P.Pétrequin lui-même 
    qui, avec Anne-Marie Grosjean et Michel Magny, en juin 1973, a fouillé, 
    déterminé et relevé la stratigraphie de la chape N° 
    1 (Figure ci-dessous), qui démontre sans ambiguïté l'absence 
    de plancher sous l'argile et son profond enfoncement dans la craie lacustre 
    ; par la suite nous avons disposé d'autres arguments qui sont énoncés 
    tout au long de cette étude.
    Pourquoi vouloir étendre à tout habitat au bord de l'eau un 
    mode de construction tel qu'il en existe parfois dans le monde ?
    L'ethnographie comparée doit éclairer nos hypothèses, 
    pas contraindre nos observations ni nos interprétations à des 
    a priori dogmatiques
 


L'appel de la bibliographie se présente sous deux aspects : 
    nom et année à retrouver dans la bibliographie générale,
    ou nom, année suivi de " Coll. " (collectif)  se trouve dans 
    la liste Collectif 2005, dans la Bibliographie. Cette liste regroupe toutes 
    les études non publiées.

Commentaires sur les courbes
    
L'ambiance climatique durant la vie du sapin analysé était assez sèche car il avait un diamètre de 11 cm pour 90 ans : ce qui fait une croissance faible de 1,2 mm par an en moyenne. C'est une constatation faite sur tous les troncs.
Au cours de la première occupation, en l'an 9 du site, la production annuelle du bois est minimale en accord avec l'optimum du climat déterminé par l'analyse isotopique.
Quand les hommes sont revenus sur le site 
    en 2618 av. J.-C., le climat était tout à fait semblable à 
    celui de leur départ, 40 ans auparavant.
    
    La deuxième occpation a pris fin brutalement vers 2598/2895 av. J.-C. 
    par la montée rapide et définitive du niveau du lac.
    Ce phénomène cataclysmique correspond au maximum de la péjoration 
    climatique de notre courbe, dégradation qui avait commencé une 
    quinzaine d'années plus tôt, en 2613/2612 av. J.-C.