Entre 1700 et 1300 av. J.-C., à l'âge du Bronze moyen, après des siècles d'ambiance climatique tempérée, un épisode froid et humide a véritablement " engourdi ", au propre comme au figuré, les populations de la France qui ont techniquement et culturellement stagné, mis à part quelques régions actives comme la Bretagne et l'Aquitaine. Elles ont continuer à pratiquer une économie de type néolithique utilisant peu le métal qui venait des zones de production atlantiques ou centre-européennes.

En effet durant cette période prospérait une vaste région dans le centre de l'Europe, jusqu'en Alsace et en Suisse du Nord ; on l'appelle d'après son mode funéraire le plus répandu, la Civilisation des Tumulus (Fig. 1). Le bronze y est abondant pour les outils, la parure, les armes et les tombes étalent la richesse des défunts ; par contre, en France, et en particulier dans le sud-est, on importait seulement quelques outils et de très rares objets de parure.

Plus loin que le sud-est européen, leur expansion détruira l'empire hittite en Anatolie ; ils seront qualifiés de " peuples de la mer " par les Egyptiens, seront les ancêtres des Philistins et iront graver leurs chars sur les parois rupestres du Tassili.


Mais les centres métallurgiques actifs, après avoir saturé leur marché intérieur, ont dû trouver des débouchés hors de leurs " frontières ". C'est ainsi que l'on voit, à la fin de la période, au XIVe siècle av. J.-C., diffuser largement des produits issus d'une fabrication en série dans des ateliers spécialisés et aptes à satisfaire ceux qui désiraient des outils efficaces et des bijoux moins chers. Façonnant le métal brut provenant des sites centre-européens, les premiers bronziers ambulants viennent aussi combler sur place les besoins des autochtones comme le montrent les outils d'artisans trouvés dans certains dépôts.

Aux XIVe/XIIIe siècles av. J.-C., dans la continuation de la Civilisation des Tumulus, des mutations techniques, sociales et culturelles de première importance se développent dans une aire géographique très semblable. Nous traduisons historiquement ces changements par la naissance d'une nouvelle civilisation qui sera pourvue d'un plus fort dynamisme et diffusera largement ses influences tant en Europe occidentale que sud-orientale (1). Les rites funéraires changent : de l'inhumation sous tumulus, à l'âge du Bronze moyen, on passe progressivement à l'incinération avec le dépôt des cendres à l'intérieur de vases qui sont enterrés dans de vastes cimetières : c'est ce que l'on appelle les " Champs d'urnes " qui ont donné le nom à cette nouvelle civilisation.

Cette dénomination ne doit pas faire illusion car le rite de l'incinération ne sera pas totalement généralisé et bien des nécropoles les mélangent. Il devait rester souvent des indigènes réfractaires à la religion mais avides des progrès matériels, les deux populations vivant ensemble. Dans notre région un seul champ d'urnes est actuellement connu, celui de Douvaine, Haute-Savoie, qui mélange inhumations et incinérations ; à Fontaine, Isère, les inhumations dans une profonde fissure de rocher, habitude héritée de la période précédente, s'accompagnent toutes de la nouvelle céramique.

De grands progrès dans l'élaboration du bronze et dans son façonnage amènent la prolifération du matériel qu'il faut vendre afin d'entretenir l'activité économique des centres de productions : ce type de problèmes économiques ne date en effet pas d'aujourd'hui…
Une société hiérarchisée, donc mieux organisée, s'installe vigoureusement, crée ou améliore les voies de communications pour faciliter les échanges ; le char est plus utilisé sur des chemins qui deviennent carrossables et le cheval réduit le temps des communications.
Cheval de selle car il n'existe aucune preuve d'utilisation en cheval de trait alors que se sont les bovidés qui tirent les chars à quatre roues, d'après les figurations gravées (Fig. 7, B et C) . Des procédés agricoles nouveaux augmentent les rendement avec l'assolement et la multiplication des faucilles en bronze plus efficaces pour les récoltes. Les stocks et les richesses s'accroissent et doivent être protégés des pilleurs, ce qui implique que les " princes " ou les chefs des communautés arment des soldats avec casques, cuirasses, lances et épées (Fig. 7, B).

Ces sociétés dynamiques exportent d'abord seulement certains de leurs produits mais très vite se sont leurs techniques céramiques et métallurgiques (
bigorne et marteau de ciseleur, dépôt de Porcieu-Amblagnieu, Isère (Fig. 7, D), leur religion aussi, qui se retrouvent à l'ouest et au sud-est de l'Europe. Elles ont pu arriver par simple contact avec les populations voisines (acculturation) mais plus probablement de véritables " colons " sont partis s'implanter dans des zones dépeuplées ou en sommeil après le passage à vide du Bronze moyen. Une volonté d'expansion (Fig. 1) leur a fait prendre possession du territoire, en tâche d'huile, à partir du sud de l'Allemagne pour le courant occidental qui atteindre la Méditerranée, les Charentes et les Pays-Bas…

Les dernières découvertes régionales illustrent cette période qui a connu un essor extraordinaire avec la mise en valeur des Alpes du Nord, le début de 300 ans d'évolution continue qui a modelé nos paysages et notre peuplement par l'implantation de paysans et d'artisans, avant l'arrivée des premières grandes invasions celtes à l'âge du Fer.

Cinq anneaux de jambe en bronze découverts à Siccieu-et-Carisieu, Isère.
En 2004 un habitant de Siccieu-et-Carisieu mettait au jour cinq anneaux en bronze rassemblés sur quelques décimètres. C'est une découverte archéologique importante qui confirme nos connaissances sur la présence de paysans dans l'Isle Crémieu, autour de 1300 av. J.-C. Déjà dans cette commune, vers 1930, avait été trouvé un dépôt contenant 12 bracelets et une cinquantaine de pendeloques à chaînette, merveille de technologie du bronze très peu postérieur à ce dont nous allons parler.

L'archéologie
Ces anneaux très faiblement patinés, ovales, ouverts, sont trop grands (diamètre de 9 à 10 cm) pour être des bracelets : ils devaient être portés à la cheville. On en connaît le type mais ce sont le plus souvent des bracelets dont le diamètre ne dépasse pas 7 à 8 cm.
Ils sont facilement identifiables par leur forme et par leur décor gravé géométrique avec traits transversaux, chevrons, arcs de cercle et croisillons.
Ils entrent dans les productions caractéristiques de la fin du Bronze moyen, probablement en provenance du Bade-Wurtemberg ou d'Alsace et sont connus en particulier dans le sud-est de la France (3). Ils sont retrouvés en telle quantité et si semblables qu'ils relèvent d'une production standardisée à large diffusion.
La série d'anneaux de Siccieu-et-Carisieu était peut-être un mobilier funéraire mais les conditions de découvertes ne peuvent l'affirmer.
Par contre on est sûr qu'ils forment un lot complet et cohérent car leur usure extrême prouve qu'ils ont été portés ensembles et très long-temps. La photo montre bien (Fig. 3), que par usure, ils se sont encastrés les uns dans les au-tres ; même sur les faces décorées il est difficile de bien reconnaître les gravures.
Il faut imaginer cette femme qui a porté ses bijoux sans jamais les ôter, durant de très longues années de labeur : voilà un témoignage émouvant de nos lointains ancêtres.

Citons quelques grands ensembles qui possèdent des anneaux de ce types (foreme et décor) : tombes en fissure de rocher à Saint-Paul-de-Varces, Isère (9 bracelets), dépôts d'Annemasse et de Lullin-Couvaloup, Haute-Savoie, de Reventin-Vaugris, Isère, de Pont-d'Ain au nord du Rhône, de Saint-Romain-la-Motte, Loire et dépôt de 50 bracelets dans un vase, de Vinol à Bard, Loire. Il y a aussi des pièces isolées à Etrembières au pied du Salève en Haute-Savoie, sans parler de toutes les grottes et tombes du Languedoc qui en ont livré de nombreux.

Les épingles de Crachier, Isère.
Près de l'étang de Verchères à Crachier, sept épingles ont été mises au jour il y a quelques années (Fig. 4). C'est encore une découverte du plus haut intérêt comme preuve de la diffusion du bronze à la transition Bronze moyen/Bronze final et aussi des remarquables techniques métallurgiques utilisées. Elles pouvaient faire partie de mobiliers funéraires à moins qu'elles n'aient été réunies en dépôt intentionnel, mais aucune fouille ne nous éclaire : l
es autorités archéologiques régionales et départementales n'ont pas donné suite à notre déclaration de découverte.

L'archéologie
Quatre sont entières dont deux forment une paire de pièces rigoureusement semblables.
A Marcellaz, Haute-Savoie, une épingle atteint 89,5 cm ! Elles servaient à maintenir le linceul car on les retrouve placées en long sur la poitrine des morts (Fig. 7, A).
Nous ne les décrirons pas car les figures sont explicites.
Deux épingles à tête discoïde plate et légèrement creuse (Fig. 4 A, 1 et 3) (une matière périssable devait garnir le dessus du disque : bois, os ?) sont longues de 67,3 cm ;une autre à tête discoïde garnie de sept protubérance a 47,2 de long (Fig. 4, 2). Leur fût est décoré de traits gravés (Fig. 5). Une épingle d'un autre type est à tête en trompette et à fût cannelé (Fig. 4 A, 6) : elle a 32,3 cm de long. Il y a encore des fragments de trois pièces, une à tête sub-biconique (Fig. 4 A, 5), une à collerette mobile et une autre à collerette fixe (Fig. 4 A, 4 et 7).
La typologie nous apprend que les épingles à collerettes sont un peu antérieures aux autres, la différence d'âge ne pouvant pas dépasser deux générations.
Ces objets peuvent avoir été importés par les autochtones ou avoir accompagné des migrants venus du sud-ouest de l'Allemagne, très probablement la Bavière.

Elles peuvent aussi se rattacher à une production régionale par des bronziers locaux inspirés par des modèles germaniques mais la technique très élaborée paraît peu compatible avec le travail de bronziers débutants. Plus vraisembla-blement elles ont été produites par des bronziers allochtones car ceux-ci étaient formés à la haute technicité nécessaire pour obtenir des épingles de cette qualité et de grande dimension, dans la ligne du gigantisme observé dès la fin du Bronze moyen (Parmilieu, Saint-Paul-de-Varces, Isère) et qui se poursuit en s'amplifiant au tout début du Bronze final (dans la région par exemple avec une paire à Marcellaz (5), Haute-Savoie, une autre paire à Donzère, une seule à Die, Drôme, etc.).

Ces témoins d'un façonnage vraisemblablement local du bronze sont à mettre en parallèle avec les outils de bronzier (spatules, burins, ciseaux, enclume) contenus dans des dépôts (Fig. 7 D) de la fin du Bronze moyen (Porcieu-Amblagnieu, Isère et Ternay , Rhône) ou du début du Bronze final (Lullin-Couvaloup, Haute-Savoie). Cet outillage nous a convaincu de l'émergence d'une production métallique régionale sur des modèles germaniques, dès la fin de la Civilisation des Tumulus (Porcieu -Amblagnieu, Ternay (6) et au début des Champs d'Urnes (Lullin-Couvaloup et Douvaine, Haute-Savoie).

Dans cette perspective, il est d'autant plus intéressant de constater les similitudes de nos pièces avec celles du dépôt de Vernaison, distant de 35 km vers l'ouest sur le bord du Rhône, qui réunit, dans un même ensemble, les trois modèles des épingles de Crachier (à collerettes, à disque et sub-biconique). Pour la paire à tête discoïde, la forme de la tête et le décor sur la tige sont aussi très comparables cependant à Vernaison la gravure est plus simple mais l'esprit est le même (Fig. 5 B). En outre, les parures de Crachier sont de plus grande dimen-sion que leurs homologues des bords du Rhône.
En tout état de cause ces bijoux peu ordinaires et somptueux étaient destinés à des personnages de haut rang vivant dans le nord Dauphiné entre 1350 et 1250 av. J.-C. ce qui suppose des communautés d'une certaine importance

Une épée à Champagneux, Savoie
Une épée en bronze à poignée pleine (Fig. 6) a été découverte il y a plusieurs décennies par M. François Debauge lors de dragages dans des gravières du Rhône en amont de sa confluence avec le Guiers, à Champagneux, Savoie.
Trouvée près d'un gué (comme de nombreuses épées de cette époque en Europe ; il en est de même pour celle de Pont-de-Claix sur le Drac), marque une voie nord-sud de communication protohistorique, au pied des montagnes préalpines à la limite orientale de la plaine du nord Dauphiné. Mais il y en eut probablement d'autres.

L'archéologie
Longue de 57,1 cm, sa lame est fracturée en deux parties dans son tiers distal. La patine du plan de cassure laisse supposer une rupture sans torsion déjà ancienne, probablement lors de son extraction par la drague. Le haut de la fusée fusiforme de section ovale porte la trace d'une bande de gravures arciformes et de quatre traits concentriques très effacés. La lame, très légèrement pistilliforme, comporte une languette sertie avec soin dans la garde et maintenue par deux rivets.

L'épée de Champagneux est une des nombreuses variantes qui sont largement répandues en Europe moyenne ou balkanique à la fin du Bronze moyen (civilisation des Tumulus) et au début du Bronze final dans le cadre des premiers Champs d'Urnes au point que les anciens auteurs français les nommaient " épées hongroises ". Les comparaisons les plus proches paraissent être les épées des deux incinérations sous tumulus de Riegsee en Haute-Bavière, placées à l'extrême fin de la Civilisation des Tumulus. Notre exemplaire peut être assimilé aussi aux épées bavaroises de Stockheim ou de Klugham, toujours de la même époque.
Les épées à poignée pleine sont rares à l'ouest et au sud du Rhin (
Beynost, Ain ; Villeneuve, Vaud ; Genève ; Martigny, Valais ; Tarascon, Bouches-du-Rhône ; Anse-sur-Saône, Rhône ; Chalon-sur-Saône et Tournus, Saône et Loire ; Ray-sur-Saône, Haute-Saône, etc) par rapport à la grande densité européenne. Son décor très simple fait de l'épée de Champagneux la plus ancienne de toutes, pouvant être datée entre 1350 et 1300 av. J.-C. et elle accompagnait les premiers " migrants " germaniques.

Concluons notre belle page d'histoire…
La concordance chronologique ainsi que l'origine très probablement bavaroise des épingles à tête en disque de Crachier et de l'épée de Champagneux nous autorise à paralléliser ces deux découvertes, tant sur le plan chronologique que culturel en provenance du sud-ouest de l'Allemagne, aux XIVe/XIIIe siècles. Les plus anciennes épingles de Crachier, le dépôt de Vernaison, la tombe de Crémieu (avec son épingle à collerettes) et l'épée de Champagneux montrent que la vague germanique est arrivée précocement, au moment même où elle affecte l'est de la France ou la Suisse.

La création d'une province " Champs d'Urnes " dans notre région
Quelle est la signification historique de ces témoins spectaculaires ? La grande mutation qui affecte l'Occident, et nos régions en particulier, aux XIVe/XIIIe siècles av. J.-C. est confirmée. L'archéologue constate une rupture totale dans les vestiges céramiques et métalli ques, traduisant des activités et un peuplement nouveau c'est à dire l'arrivée de véritables " migrants " avec tous leurs corps de métier qui s'installent parmi les autochtones dont les rangs avaient été éclaircis par trois siècles d'atonie. Selon toute vraisemblance, la prise de possession des terroirs a dû se faire sans heurt avec les populations déjà présentes.

La densité des découvertes atteste l'importance exceptionnelle de l'implantation des " Champs d'Urnes " dans le nord Dauphiné et au sud du lac Léman (Fig. 8), densité qui existe, bien sûr, dans les pays germaniques mais rarement à ce degré. Dans notre région il y eut donc des foyers vigoureux de la nouvelle civilisation, dès le début de son expansion.
La pénétration dans les Alpes internes est marquée par quelques trouvailles sur la voie transalpine, déjà ouverte au Bronze moyen, et qui continue d'être fréquentée : ceci dans les deux sens car nous recevons aussi de nombreuses productions italiques. Mais ce n'est pas notre propos ici d'en parler.

Depuis le sud de l'Allemagne, le courant migratoire a pu passer par l'Alsace et la trouée de Belfort sur un itinéraire jalonné de matériel dans le Jura et les plaines de Saône. Le Plateau suisse possède lui aussi de nombreuses pièces et il a pu constituer une autre voie d'arrivée. Le choix entre les deux est actuellement impossible, si tant est qu'il faille choisir.
Dans sa progression (8) vers la Provence, le Languedoc et la Catalogne, le courant a laissé de nombreuses traces dans la vallée du Rhône. Contrairement à ce qu'on pourrait croire pour ces époques, les mouvements de population se déroulaient assez rapidement, au plus sur une génération pour plusieurs centaines de kilomètres ; les vestiges méridionaux sont pratiquement contemporains des nôtres.
Cela pose le problème du processus migratoire : des petites communautés sont-elles parties les unes après les autres d'un ou de plusieurs foyers d'origine ou bien une vague im-portante s'est-elle déplacée en " déposant " des petits groupes tout au long de la route ? De toute façon, les territoires occupés étaient bien organisés par les diverses communautés, conséquence d'un début d'harmonisation politique rendue possible par une bonne connais-sance de la géographie physique et de la géographie humaine de très vastes espaces.

Le développement économique crée la circulation fiduciaire
Une autre manifestation capitale des changements de cette époque est révélée par la composition des dépôts de bronzes : durant tout l'âge du Bronze, les dépôts sont constitués soit d'objets entiers (ce sont des stocks oubliés ou perdus), soit d'objets fragmentés (qu'on disait autrefois " dépôt ou trésor de fondeur "), soit ils mélangent toute sorte de pièces.

Au Bronze ancien et au Bronze moyen les dépôts constituent presque toujours des stocks. Dès le commencement du Bronze final, changement complet ; dans beaucoup de dépôts européens (
en particulier l'énorme dépôt de Stockheim avec plusieurs centaines de pièces ou celui de Winklsass, tous deux en Bavière) les objets (haches, épées, faucilles, bracelets, épingles, etc.) sont réduits généralement en petits morceaux, par exemple quatre à cinq pour une faucille (Fig. 10). Quand les fondeurs recyclent les objets cassés, il n'est pourtant pas nécessaire que les fragments soient si petits, tout au plus les grosses pièces comme les haches ou les épingles doivent être fracturées pour entrer dans le creuset. Une telle fragmentation systématique a une autre cause : nous avons écrit depuis longtemps que ces dépôts sont des " trésors " de proto-monnaie. Dans un des dépôts de Ternay, il y avait avec quelques objets entiers et plus de 7 kg de fragments d'objets en bronze. Morcellement des objets de bronze est très important dans le Dépôt de Lullin-Couvaloup (Haute-Savoie )et celui de Reventin-Vaugris (Isère)

Les morceaux de bronze, d'un poids faible et moins volumineux que les objets entiers, devaient servir d'argent liquide pour le commerce. Cela signifie qu'à l'échelle européenne les échanges se multiplient et que le simple troc ne suffisait plus dans les diverses transactions. Le métal, matière première recyclable sans perte, bien que devenu abondant restait un produit onéreux à élaborer, il possédait donc une valeur intrinsèque en plus de celle de monnaie acceptée par tous : le thésauriseur pouvait transformer son pécule en matériel utilitaire. Dans la plupart des dépôts on remarque que la majorité des morceaux proviennent de faucilles et d'épées, c'est à dire d'éléments petits et plats… comme la future monnaie.

Plusieurs dépôts de la région sont conformes à ce schéma de morcellement systématique des objets : à Lullin-Couvaloup il y a 75 morceaux (Fig. 9) et à Reventin-Vaugris 88 ; à Vernaison, à Val-de-Fier et à Douvaine des haches entières accompagnent les morceaux, etc. Par contre, d'autres dépôts sont exclusivement des stocks avec des objets entiers à Porcieu-Amblagnieu, Optevoz, Saint-Germain-au-Mont-d'Or ou Ternay.

Ces trésors liés au commerce sont relativement plus nombreux en nord Dauphiné et en Haute-Savoie qu'ailleurs ; cela amplifie encore l'importance de notre région dans la mise en place de nouvelles structures artisanales, économiques et humaines au commencement de la Civilisation des Champs d'Urnes en Europe occidentale, entre 1300 et 1250 av. J.- C.

 

Bibliographie sommaire

L'étude complète des épingles de Crachier et de l'épée de Champagneux a paru dans : Bocquet A. et Haussmann L. - (2001) - Dernières découvertes protohistoriques en Nord-Dauphiné et en Savoie. Bull. Soc. Préh. Franç. t. 98, n°2. p. 299-310, 6 fig., avec bibliographie complète.

Audouze F. et Gaucher G. - (1981) - Typologie des objets de l'Age du Bronze en France. Fascicule VI : les épingles, Editions Société Préhistorique Française, Commission du Bronze. 114 p.
Bocquet A. - (1969) - L'Isère préhistorique et protohistorique. GALLIA-PREHISTOIRE t. 12, fasc. 1. p. 121-258 et fasc. 2. p. 273-400, 119 fig. (description et dessins des sites de : Charvieu-Chavagnieu, Crémieu, Fon-taine, Grenoble, Optevoz, Pont-de-Claix, Porcieu-Amblagnieu, Reventin-Vaugris et Tullins).
Bocquet A. - (1997) - Archéologie et peuplement des Alpes françaises du Nord, du Néolithique aux Âges des Métaux, L'Anthropologie. t. 101, n°2, p. 291-393. Bibliographie complète. http://aimebocquet.perso.sfr.fr/alp00.htm) sur Internet
Bocquet A. et Reymond J. - ? - La grotte de la Balme à La Balme-les-Grottes, Isère. Nécropole souterraine au Néolithique et à l'Age du Bronze final. In Hommage à Henri Delporte. Editions du Comité des Travaux scientifiques et historiques. 36 p., 31 pl. h.t., biblio. (à paraître).
Chantre E. - (1875 76) - Etudes paléoethnologiques dans le bassin du Rhône. Recherches origine métallurgie en France. Industries et gisements Age du Bronze. Statistiques. Album. Lib. J. Baudry, Lyon-Paris. 3 vol.
Courtois J.-C. - (1960) - Les dépôts de fondeurs de Vernaison (Rhône) et de la Poype-Vaugris (Isère), Cahiers Rhodaniens. VII, p. 3-24.
Coutil L. - (1928) - Poignards, rapières et épées de l'Age du Bronze. L'Homme préhistorique. 15e année, n°4-5, p. 11-64 ; 30 pl.
Gaucher G. et Mohen J.P. - (1972) - Typologie des objets de l'Age du Bronze en France. Fasc. I : épées. Ed. Société Préhistorique française, Commission du Bronze. 84 p., fig.
Oberkampf M. avec coll. Millotte J.P., Vital J., Lebascle M.C. et Piuz V. - (1997) - Age du Bronze de Haute-Savoie. t. 1. En dehors des stations littorales. Ed. Musée-Château Annecy. 213 p., fig., ph., tab., 58 pl., biblio.
Millotte J.P. - (1963) - Le Jura et les plaines de Saône aux Ages des Métaux. Annales Littéraires Université Besançon. vol. 59. 2 vol. texte: 452 p., tab., 1 dépliant et planches: 77 pl., 9 cartes.
Muller-Karpe H. - (1961) - Die Vollgriffschwerter der Urnenfelderzeit aus Bayern. C.H. Beckische Verlagsbuchhandlung, München. 134 p. 1 fig., 103 pl. h.t.

 

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Un grand moment de notre histoire… il y a 3300 ans.
A propos de découvertes régionales de la fin de l'âge du Bronze
par Aimé Bocquet
Carte de répartition des découvertes dans la région
Fig. 2 - Dessins de anneaux de Siccieu-et-Carisieu
Dessins des épingles de Crachier
Fig. 5 - Une épingle de Crachier et celles de Vernaison
EN DAUPHINE - SAVOIE
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Tableau chronologique
Remerciements : aux inventeurs des collections pour leur collaboration ainsi qu'à Hugues Chatain, Thierry Gouin et Jean-Pascal Jospin qui m'ont signalé ces découvertes et obtenus des propriétaires l'autorisation de les étudier.
Cet article est une synthèse de vulgarisation historique d'où sont exclus la plupart des éléments de diagnose scientifique du matériel et leurs références.

Pour les consulter
Fig. 1- Localisation de l'aire de la civilisations des Tumulus et de la civilisation des Champs d'Urnes en Europe centrale.

Les flèches indiquent les axes de diffusion de la civilisation des Champs d'Urnes.
Fig. 3 - Anneaux de cheville de Siccieu-et-Carisieu, Isère.
A droite, ils s'insèrent les uns dans les autres par usure.
Fig. 6 - Epée de Champagneux, Savoie.