LA GROTTE DE LA BALME


LOCALISATION ET HISTORIQUE

Un petit massif calcaire de forme triangulaire, au sud du Jura et à l'extrémité nord du Dauphiné, limité à l'est et à l'ouest par le Rhône (Fig. 1) constitue une entité géographique originale nommée "Isle Crémieu" ; c'est une véritable île qui domine tant la plaine du Rhône au nord que des épandages fluvio-glaciaires au sud. Sa position au carrefour des axes nord-sud (plaines de Saône et marge orientale du couloir rhodanien) et est-ouest (Suisse occidentale et centre de la France) là où le fleuve est guéable, ses grottes et son relief peu accidenté mais protecteur, ses vallons fertiles ont de tout temps attiré les hommes.

La grotte de la Balme, située derrière le village, s'enfonce profondément dans la falaise de calcaire bajocien qui court depuis le coude du Rhône à Vertrieu jusqu'à Crémieu.
La grotte, par ses dimensions, le grand développement de ses galeries, son lac et la masse de ses concrétions, a mérité de compter parmi les "sept merveilles du Dauphiné".
Le porche, imposant avec ses 40 m de hauteur, se poursuit par une salle au plafond encore plus élevé d'où partent de nombreuses galeries situées sur plusieurs niveaux.
Les plus hautes qui se trouvent de chaque côté en face l'une de l'autre, portent les noms de balcons et réseaux de François 1er au sud et de Mandrin au nord. Un réseau plus inférieur s'ouvre au nord de cette première salle et ses galeries sont très sèches car abandonnées depuis longtemps par les eaux ; elles font communiquer des petites salles que nous avons nommées "Locus".
Cette grande salle, où, sur le coté sud, le ruisseau issu du lac serpente entre d'énormes rochers, se poursuit par un complexe réseau karstique.

LES FOUILLES ANCIENNES

C'est à 30 m de l'entrée, dans la zone la plus hospitalière et en pleine lumière (Fig. 2), que E. Chantre entreprit des fouilles en 1865 sous le Balcon de Mandrin (Chantre 1865-66 et 67).
Dans un cailloutis de décomposition des parois, une couche archéologique atteignait par endroits 90 cm d'épaisseur. Des dents et des ossements brisés, des silex et des os travaillés étaient asso-ciés à de la céramique, du charbon de bois et des cendres dont la position stratigraphique n'est pas précisée.
On reconnaît sur les illustrations anciennes des pointes à retouches marginales, un burin, un poinçon d'os et une sagaie (?). La brèche ossifère comportait : Bos primigenius, Bos priscus, Cervus tarandus et elaphus, Equus caballus, Sus scrofa, Arvicola, Tetra albus et chocard.

Les fouilles ont été reprises en 1895 par E. Jacquemet et par L. Chapuis vers 1934-37. Seul E. Jacquemet (1895) a laissé une relation quelque peu détaillée de ses travaux. Cet auteur fouilla jusqu'à 2,50 m de profondeur, près de l'entrée sans autre précision (était-ce dans le voisi-nage de la fouille de Chantre ?).
Il a relevé deux couches archéologiques :
Couche 1 : entre la surface et 90 cm de profondeur, il y avait 3 foyers avec des pierres. Le foyer A contenait : renne, bouquetin, chamois ; le foyer B : boeuf, cerf élaphe et megaceros, cheval, peu de renne et ce serait le plus ancien ; le foyer C : renne, mouton et oiseaux.

Couche 2 : sous 1,50 m de terre stérile, un deuxième niveau ossifère vers 2,50 m de profondeur avec bison, cheval et un silex retouché (racloir sur face plane) que F. Bourdier (1962) nomme moustérien et que J. Combier (1956) place au Paléolithique moyen dans le " Moustérien alpin ", faciès qui a perdu sa signification spécifique aujourd'hui.

Toujours en 1895, E. Jacquemet découvre dans le "Labyrinthe de François Ier" un poinçon en os, un anneau de bronze et des tessons qui sont comparés à ceux de la grotte de Malville à Creys-Mépieu, Isère, avec poterie grossière décorée au doigt et vases en pâte noire et bien lissée datés du Bronze final (Bocquet 1969). La faune se composait de mouton, bœuf, porc, chien, chat et taupe.

Les récoltes de E. Jacquemet, déposées au Laboratoire de Géologie de Lyon, ont été étudiées par F. Bourdier et H. de Lumley (1956).
Le matériel exhumé par E. Chantre et par L. Chapuis se trouve au Muséum d'Histoire Naturelle de Lyon. Quelques silex de la fin du Paléolithique provenant des fouilles de E. Chantre sont aussi au Musée de Vienne (Bocquet 1969).

Au cours de travaux d'aménagements, vers 1958, le Groupe archéologique de Bourgoin exhuma de la céramique en divers points, non précisés, de la grotte et en particulier dans un di-verticule inviolé du "Labyrinthe de François Ier" (Combier 1961).

FOUILLES RÉCENTES

A l'automne 1962, mettant à profit une sécheresse exceptionnelle, le maire de La Balme, M. Montagnon, entreprit de vider complètement le lac intérieur de la grotte, afin de percer le mystère de son alimentation.
Plusieurs pompes évacuaient l'eau dans le déversoir habituellement immergé et, pour permettre un débit plus grand, celui-ci fut surcreusé. Le terrassement dégagea des ossements humains ce qui incita le maire à prévenir R .Laurent, archéologue lyonnais, qui se rendit sur place avec J. Reymond.
En plus des ossements, colorés en noir par des sels de fer ou de manganèse, se trouvaient des fragments de vases. Devant l'intérêt évident de cette céramique et en raison de l'urgence, il fut décidé de procéder rapidement à une exploration du diverticule voisin, en compagnie de R. Vilain.
Les projets de la mairie de rénover les aménagements touristiques amenèrent R. Laurent à pratiquer quelques sondages exploratoires dans des zones jouxtant le chemin de la visite.
Avec l'autorisation de la direction des Antiquités Préhistoriques de Lyon, il fut décidé de prospecter par sondages les zones "sensibles" qui risquaient d'être atteintes par des travaux de réparation du chemin et des installations annexes (tranchées pour l'alimentation électrique, etc.). Dix ans de recherches commençaient dans la grotte par l'ouverture du sondage E de la Grande Sépulture (Fig. 2 et 10).
Pour des raisons diverses l'équipe des bénévoles s'amenuisa au fil des années et J. Reymond prit l'initiative de rassembler, de classer et de stocker tout le matériel extrait.

Répartition spatiale des vestiges suivant les âges (voir Fig. 2)

C'est en 1975 que le matériel archéologique fut remis à Aimé Bocquet qui le déposa au Centre de Documentation de la Préhistoire alpine, à Grenoble pour être sauvegardé et étudié.
Des bénévoles effectuèrent alors le tri, les remontages et les reconstitutions de l'abondante céramique.
En 1985, 18 vases restaurés furent déposés, avec 58 objets, à la Maison du Patrimoine de Hières-sur-Amby, pour la présentation permanente du site. Celui-ci a fait l'objet d'une brève rubrique par A. Bocquet en 1969 et en 1976 une notice parut dans le livret-guide de l'excursion A9 du IXe Congrès UISPP de Nice (A. Bocquet et J. Reymond 1976).

 

 

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Porche d'entrée de la grotte

L'outillage de la couche 1 d'après F. Bourdier et H de Lumley (1956):
13 lamelles à troncature, 13 lamelles à dos, 8 burins ou burins grossiers, 43 grattoirs, 2 pointes aziliennes, 1 couteau à dos, 7 outils divers et un galet taché d'ocre qu'ils placent dans un proto-Azilien.

Voir le plan de la grotte
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