Le monde des prédateurs exclusifs, les chasseurs et cueilleurs nomades, s'éteint au cours du VIe millénaire, remplacé progressivement par celui des producteurs. C'est le Néolithique avec ses phases de croissance et de stagnation où les influences culturelles et techniques se multiplient tout autour de l'arc alpin, de l'Autriche à la Méditerranée.
Sans entrer dans le détail de ces diverses civilisations, disons que toutes commencent à mettre en valeur les larges vallées et les côteaux qui font face à leurs implantations de plaine ou de piedmont. Une colonisation commence qui se développera lentement vers l'intérieur sous un climat parfois plus clément que le nôtre, à la période atlantique (de -5.500 à -3.000). Cette lente implantation prendra cinq millénaires pour aboutir au peuplement qu'ont connu les Romains lors de la conquête des Alpes.

Contrairement aux chasseurs qui affectionnent les espaces dégagé de végétation et giboyeux, le paysan recherche des terres fertiles, faciles d'accès, bien exposées mais le couvert forestier ne l'arrête pas. L'altitude ne l'intéresse pas quand elle ne couvre pas certains de ses besoins (pâturage, ressources minérales, etc), bien que la chasse reste encore une activité importante qui trouve à se satisfaire dans les forêts denses que l'agriculture ne détruira que lentement.
C'est seulement bien après la fin de la dernière glaciation, à partir de 5.500 av. J.C. que la partie inférieure de toutes les grandes vallées de pénétration intra-alpine (Durance, Isère, Rhône, Aar, Rhin, Inn, ,Drave, Adige, etc.) et leurs coteaux se verront peu à peu mises en valeur.

Une seule exception existe dans les parties amont des hautes vallées de la Doire Ripaire, de la Doire Baltée, de l'Isère et de l'Arc où s'implantent de manière permanente, sur les gisements " de roches vertes ", les ateliers de fabricants de haches polies et tous ceux qui doivent les nourrir. Mais hormis ces raisons très particulières d'exploitation de matériaux rares mais indispensables à l'outillage coupant, l'agriculteur apprécie peu la montagne et reste à son pied.

Néolithique ancien (-5500 à -4800)

Les plus anciens agriculteurs sont installés à l'entrée des grandes vallées tant à l'est des Alpes avec les Danubiens, les Moraves, qu'à l'ouest où ils se développent près de Grenoble (Sassenage), en Diois, dans les Alpes maritimes et plus profondément sur le haut Rhône jusqu'au coeur du Valais (Sion).

Néolithique moyen (-4800 à -3000)

A partir de 4.800 av. J.C., les civilisations du Néolithique moyen
pénètreront un peu plus profondément dans les vallées sans jamais
constituer de fortes communautés. Le Diois verra ses grottes servir
de bergeries et dans les Hautes-Alpes, la diffusion ne dépassera pas le confluent Buech-Durance ; plus au Nord, Trièves et sillon alpin seront occupés. En Italie, Haut Adige, Trentin, Val Camonica, en Suisse, sur le haut Rhône en Valais, sur le Rhin, Coire et le Liechtenstein sont juste atteints et au nord en Autriche ils ne dépassent pas Salzbourg.

La recherche de terres nouvelles n'est pas impérieuse alors pourquoi multiplier les difficultés que présentent les grandes pentes et un climat plus rude en altitude, sans nécessité spécifique?
Il y eut quelques exceptions dont une liée à une très probable exploitation du sel en Autriche, en dessus du lac de Hallstatt à 1.200m d'altitude, qui a amené une petite occupation permanente dans une zone au relief très accidenté.

Dès la fin du Ve millénaire de bonnes roches vertes ont été nécessaires pour la fabrication des haches polies pour l'outillage de base des défricheurs et aussi pour celles de très grande taille liées à une symbolique sociale qui se développe dans toute l'Europe occidentale (Bassin parisien, Bretagne, etc.). Des " carriers " montent alors exploiter les filons du Mercantour ou d'autres sites moins élevés dans le Val d'Aoste ; rien n'indique pourtant des séjours de longue durée hormis l'occupation perma-
nente du "domaine alpin d'altitude".

Néolithique final (-3500 à -2200)

A cette période se poursuit la colonisation par les agriculteurs des vallées et des coteaux. Les échanges, même à longue distance, s'intensifient entre les communautés alpines et celles des plaines alentour. On voit par exemple arriver de l'ambre des bords de la mer Baltique jusqu'en Dauphiné et du silex de la Touraine jusqu'au plateau suisse, en Savoie et en Dauphiné...
De nombreux gisements de silex sont exploités dans les massifs préalpins par des tailleurs de silex qui ravitaillent des consommateurs nombreux. Ils doivent lutter vigoureusement contre le cuivre, nouveau matériau qui apparaît lentement sur le marché qui, bien que cher, remplacera petit à petit la pierre pour l'outillage et la parure.

Même les cols d'altitude très élevée sont franchis comme ceux entre l'Italie et l'Autriche où fut retrouvé l'homme du Similaun ou Oëtzi appelé "l'homme des glaces"

Apparition du premier métal

L'âge du Cuivre ou Chalcolithique

Au cours du IIIe millénaire, à l'intérieur d'une économie de type néolithique qui se poursuit, les mentalités et les comportements vis à vis de l'altitude changeront progressivement avec le début de la métallurgie et les nouvelles nécessités liées à l'exploitation des minerais cuprifères toujours placés en montagne.

L'exploitation des gîtes métallifères
accélère
la conquête des Alpes


Un millénaire plus tard qu'en Europe orientale, le cuivre diffusera en Occident vers 3.500/3.000 av. J.C., avec la formation de plusieurs centres d'élaboration du métal et de fabrication d'objets métalliques.
Certaines régions des Alpes sont riches en minerais de cuivre et il faudra monter dans les zones encore désertes pour exploiter les filons et raffiner le métal. Alors une implantation permanente se mettra en place dans plusieurs massifs près des gîtes minéraux.

Dans les hautes vallées et les vallons perchés les mineurs devront pourvoir à leur subsistance tout au long de l'année ; toute une économie de montagne prendra corps peu à peu, qui débordera rapidement les zones, le plus souvent très limitées, d'exploitation du métal. La montagne se peuplera, des voies naîtront, complétant les réseaux déjà établis. Alors se multiplieront les échanges transalpins de matière première, d'objets finis et d'influences culturelles par la présence de communautés qui connaissaient aussi bien les ressources que les voies de passages et qui permettaient des étapes intra-alpines indispensables aux longs trajets.

Les zones de production du cuivre

Tous les affleurements de cuivre ne seront pas connus et mis en exploitation en même temps ; celle-ci sera liée à certaines communautés installées dans les piedmonts qui se lancent dans la nouvelle technologie métallurgique, sous l'influence des courants novateurs venus de l'Europe de l'est. Il y aura symbiose entre les ressources métalliques alpines et la volonté ou le dynamisme industriel de certains groupes humains : les deux facteurs sont inséparables sans qu'il soit possible de savoir lequel a véritablement induit l'autre.

C'est ainsi que le Trentin, en Italie, et les Grisons, en Suisse, verront se développer une métallurgie originale dès 3.500 av. J.C., qui fleurira en Lombardie dans la civilisation de Remedello et en Suisse du nord et du entre, avec la civilisation de Pfyn. En Autriche, la civilisation néolithique de Mondsee, au pied du Salzkammergut, se met à une métallurgie qui n'est pas sans quelque similitude avec celle de Pfyn. Les vallées de Styrie et de Carinthie font de même sous l'influence de la riche civilisation de Baden qui se développait en Yougoslavie et en Autriche orientale.

A partir de 2.500 av. J.C., en Europe et tout autour
des Alpes la civilisation campaniforme prendra une
autre forme dans ses rapports avec le métal. Selon
toute vraisemblance, quelques communautés nomades
s'insèrent parmi les occupants sédentaires, leur
faisant connaître le cuivre.
Dans les Alpes, certains exploitent ponctuellement
le cuivre là où n'existent pas encore de traditions
métallurgiques comme en Suisse dans le Valais.

Dans plusieurs régions où fut exploité le cuivre de nombreuses stèles anthropomorphes gravées indiquent une religion commune : Val Camonica, Valtelline et haut Adige en Italie, Valais en Suisse et une stèle dans les Hautes-Alpes (à Tallard). Beaucoup d'entre elles comportent des représentations de poignards du type de Remedello, ce qui montre l'importance de cette civilisation lombarde ainsi que celle, symbolique, du poignard, probablement attribut du chef dans une société qui se hiérarchise.

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Les "roches vertes" sont des roches très particulières alliant dureté, résistance, homogénéité et facilité de polissage pour obtenir un tranchant efficace.
Dans les Alpes elles sont localisées dans les "schistes lustrés" de "zone piémon-taise" en très grande partie sur le versant oriental.
Ebauche de hache polie en roche verte.
Atelier du Val de Pô.
Les agriculteurs-éleveurs partent, dès le VIe millénaire,
à la conquête des Alpes
Limites de la pénétration vers l'intérieur des Alpes et position du "domaine alpin d'altitude" à la fin du Néolithique moyen (vers 3000 av. J.-C.)
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Poignard en cuivre et gobelet en forme de cloche,
caractéristiques de la civilisation campaniforme.
Dauphiné (Vernas, Isère et Conjux, Savoie)
Les régions où s'élaborent la métallurgie alpine du cuivre dans des zones riches en minerais à partir du IVe millénaire av. J.C. ( en bleu) et la première région où se développa la métallurgie alpine du bronze, près des minerais du Valais, à la fin du IIIe millénaire av. J.C. (en brun) et son foyer secondaire des Hautes-Alpes .
Dépôt de dix haches polies dont sept armes de prestige de dimension exceptionnelle, probablement extraites des filons du Mercantour au Ve millénaire av. J.C. La Bégude de Mazenc, Drôme.
L'HOMME A LA CONQUÊTE DE L'ARC ALPIN
par Aimé Bocquet
Poignards gravés de type de Remedello.
St-Paul-sur-Ubaye, près des mines de cuivre de St-Véran (Hautes-Alpes)
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