Bibliographie

L'appel de la bibliographie se présente sous deux aspects :
nom et année
à retrouver dans la bibliographie générale,
ou nom, année suivi de " Coll. " (collectif) se trouve dans la liste Collectif 2005, dans la Bibliographie. Cette liste regroupe toutes les études non publiées.

C - DEUXIEME VILLAGE

1 - Validité des dates dendrochronologiques proposées

Nous avons vu que les dates du premier village ne posent pas de problèmes, que les plans qui en résultent sont parfaitement crédibles par leur régularité, leur homogénéité et leur cohérence avec les répartitions d'objets : elles n'ont posé aucune difficulté d'interprétation.

La datation des feuillus par Archéolabs a été difficile ; elle est méritoire et elle reste intéressante et utile mais d'une exploitation difficile pour les raisons suivantes :
la proportion d'indétermination (473 sur 732) est encore trop importante et on peut considérer les analyses positives comme un échantillonnage aléatoire des espèces autres que le sapin. En effet seule la datation, si elle est vraiment exacte, sur la totalité du corpus est en mesure de donner de bons résultats : l'exemple sur les sapins du premier village est démonstratif de cette fiabilité quand pratiquement tous sont datés (16 non datés sur 618 au total dont 375 de la première occupation).

La difficulté de dater, donc de corréler le mélange des espèces utilisées pour le deuxième village perturbe gravement les résultats et on a quelques raisons de croire que des dates sont inexactes.
Ces exemples montrent des anomalies qui permettent de sérieux doutes :

Les chapes foyères et les ormes
(Fig. 32 et 52) :

- une petite structure de sept pieux datés de 42, 43 et 44 pour six ormes et de 42 pour un érable, au nord-est du site entoure exactement les épaisses chapes foyères superposées n° 4 établies au cours des deux villages (avec un fort niveau de limon intermédiaire de la période d'abandon et il n'y a aucune trace d'occupation antérieure au premier village)

- la chape n°5 homogène de la fin de la deuxième occupation comporte aussi sept pieux dont cinq ormes de 39, 40, 44 et 50 et deux érables de 44.

- la chape n°9 a trois ormes de 46 contre la masse d'argile retenue par deux planches mises en place lors de la première occupation.

- par contre, la chape n°1 concernant les deux occupations, est incluse dans un quadrilatère de quatre ormes datés de 59 que l'on pourrait croire avoir été plantés lors de la deuxième occupation. Cela me paraît difficile à croire car il aurait fallu leur faire traverser la couche inférieure contenant argile et pierres de chauffe, le long de planches verticales encore en place sans en modifier l'agencement, ce qui n'a pas été constaté à la fouille : pour moi l'agencement des quatre ormes s'est bien fait lors du premier village donc ils ne sont pas de l'an 59 mais des ans 1 ou 2.

Cette disposition d'ormes autour des foyers avaient depuis longtemps attiré notre attention et aujourd'hui, il n'y a pas de concordance entre les chapes et la date des ormes et de quelques érables. Selon toute vraisemblance ces ormes datent de la première occupation et on ne peut admettre qu'ils soient de la période d'abandon : sur un total de 50 ormes datés, au moins 13 sont disposés autour de chapes. Ce n'est pas une coïncidence… les ormes ne sont donc pas tous bien datés.

- quatre pieux en sapin analysés de la palissade du premier village sont datés de l'an 5 (Fig. 42), ce qui est conforme avec la mise en place d'une clôture. Par contre les cinq pieux de sapin de la palissade analysés du deuxième village sont datés de 56, 58 et 59 : trois ans pour planter la clôture ne semble pas très normal…

- une petite structure rectangulaire en sapin (Fig. 52-1), parfaitement construite et régulière au sud (maison 25), avec des pieux datés majoritairement de 64 mélange un pieu de 57 et un de 61. Une autre, voisine, avec des dates de 64 possède aussi un pieu de 60, deux de 61 et un de 63. A l'est de celle-ci, une autre aligne des pieux de 60, 61 et 63.
Comme on a toujours admis que les troncs n'ont jamais été plantés plus d'un an après l'abattage (l'écorce est toujours bien conservée), la datation des sapins n'est pas aussi homogène que dans le premier village.

- en 1993, le laboratoire nous avait fourni des séquences de feuillus qui présentaient les mê-mes caractères de courbes mais ne pouvaient pas être corrélées en absolu. Par exemple la séquence flottante FR 94 24 du frêne (avec laquelle nous avions proposé un plan approximatif) est aujourd'hui datée de 57 à 63 et celle de FR 94 25 va de 59 à 61. Les critères de corrélation semblent avoir été modifiés en 2003.

- Les pieux 838 et 842 proviennent du même tronc de frêne éclaté en deux mais sont datés respectivement de 60 et 61 !

Il est donc permis d'avoir quelques doutes sur la fiabilité de certains résultats, quelque soit la cause des écarts (mesures ou nature du bois), en particulier celle des ormes où la variabilité est la plus grande, les dates de frênes semblant un peu plus homogènes si on regroupe quelques années (2 à 3 ans) comme on le verra dans le plan des structures.

2 - Datation des pieux

Il faudra considérer nos conclusions et nos histogrammes avec prudence pour les raisons que nous venons de voir mais pour les établir, nous partons du principe qu'elles sont exactes. Les données sont les suivantes : 233 pieux de sapins et 161 pieux de frêne datés

Le sapin et les feuillus (Fig. 54) :
Dès le début des analyses en 1974 et 1975, C. Orcel a constaté des croissances souvent " anarchiques " sur les sapins de cette période entraînant des difficultés de datation. En outre sur 501 pieux de feuillus, seuls 258 ont été datés ce qui accentue aujourd'hui les difficultés.

Peu de sapins et beaucoup de frênes ont des dates d'abattage dans les années 58, 59, 60 et 61 du site (2611, 2610, 2609 et 2608 av. J.-C.) pour une première phase de construction ; dans une phase ultérieure, en 63/64 (-2606/05), le sapin est très utilisé. Une petite phase d'aménagements est active en l'an 71 (-2598) avec utilisation de sapin et de frêne. L'abandon du site a lieu après l'an 77 (-2592).

Il existerait donc une grande différence entre les deux phases de construction : une première entre 59 et 61 utilisant beaucoup de frêne, un peu moins de sapin et très peu d'orme alors qu'une deuxième en 63 et 64 aurait beaucoup de sapins. Cette différence pourrait être due à une carence dans les datations de feuillus car les structures reconnues de la phase de l'an 64, préparée en 63 et continuée en 65, sont aussi entourées de pieux non datés.

Comme lors de la première occupation, on serait en présence du même schéma de construc-tion en plusieurs étapes : une phase d'installation en 59 utilisant des troncs abattus en 58 et 59 et une autre phase en 61 avec des troncs coupés en 60 et 61. Ensuite 50 sapins abattus en l'an 64 et 65 édifient des maisons au sud du village, au-dessus de la palissade.

Entre ces périodes, où les abattages furent nombreux, quelques pieux coupés marquent des réparations ou des aménagements localisés.
Quatre sapins sont encore plantés en 72, 73 et 74 ; on situe l'abandon peu après 74 malgré la présence d'un frêne qui aurait été coupé en 84, ce qui nous semble une erreur d'analyse.

3 - Les constructions

Déjà en 1986 et en 1993, donc avant la datation des feuillus, j'avais tenté de compléter les sapins avec des frênes dont la position permettait de proposer des structures ; ce sont ces plans qu'a utilisé Claire Tardieu (1999 et 2000) dans son travail sur les répartitions spatiales (Fig. 55).

Ce plan s'avère aujourd'hui peu valable et les propositions de C. Tardieu sont mal confir-mées, ce qui traduit le peu de fiabilité que peut avoir une modélisation théorique, même la mieux élaborée (elle était fondée sur les résultats plus concrets de la première occupation). La datation des feuillus, les plans de répartition des vestiges et les observations de fouilles, m'ont permis d'établir des plans assez satisfaisants même s'ils sont probablement incomplets et comportent une part d'hypothèses.

En effet en 2004, le laboratoire Archéolabs a daté 257 feuillus (frênes, ormes et érables dont 88 sont attribués à une période intermédiaire entre les deux occupations, (cf. plus loin) sur les 501 existants.
Avec 181 feuillus et 233 sapins datés pour retrouver les structures du deuxième village on se heurte à des difficultés : les documents fournis sont peu lisibles (Fig. 56) et le tri par années ne correspond pas à la réalité des constructions.

J'ai donc repris nos relevés d'origine dont les 500 pieux ont été marqués de leur date et de leur essence (Fig. 57). Puis, comme il y a 20 ans, j'ai utilisé la méthode qui se base sur les sapins et cherche des cohérences avec les feuillus datés ou non, en me servant plus particulièrement des séquences flottantes de frênes définies avant 1993 par Archéolabs.
La position, l'importance et la période de mise en place des chapes (zones foyères principales ou faible épanchement d'argile), les répartitions des éclats de silex , des microdenticulés (éléments montrent des effets de parois ) et des dépôts de pierres de chauffe (quartzites cassés) sont prises en compte pour atteindre un maximum de vraisemblance (Fig. 58 et 59). De plus, nous ne saurons rien, bien sûr, des pieux manifestement manquants pour compléter des structures supposées : en effet, on a parfois constaté à la fouille, la présence de pieux très peu enfoncés dans les couches et certains ont pu disparaître au cours des siècles.

Je reste pourtant conscient des hypothèses contenues dans mes propositions d'organisation du deuxième village et, après bien des réflexions, le parti adopté me semble concilier les différents paramètres : dans l'état actuel des techniques et des recherches, on ne peut pas faire mieux (fig. 60).

4 - Déplacements des maisons vers le sud (Fig. 61)

J'ai démontré dans d'autres publications, que l'abandon de ce village avait été brutal et définitif : les analyses isotopiques O16/O18 (voir plus loin) montrent que l'humidité, au début peu supérieure à celle de la première occupation, s'accroît très fortement dès l'an 64 du site, ce qui a dû se traduire par une élévation du niveau du lac ou des inondations plus fréquentes et plus grande amplitude.
Probablement pour y pallier, en 64/65, de nouvelles structures sont édifiées au sud dans la zone la plus élevée du site (voir Fig. 6 A) ; les maisons les plus méridionales s'installent tout contre la palissade construite cinq ans plutôt... C'est dire que les conditions d'habitat avaient changé.

5 - Les plans et l'évolution des constructions dans le village

années 58/59 : première phase de construction (Fig. 62)
Quelques arbres sont datés de 57, soit un an avant la première grande série d'abattages de 58 et 59 à laquelle nous les rattachons.

- la grande maison 22 A avec foyer (chape 1 mise en place dès le début de l'occupation et qui durera durant toute la vie du village) et des pieux d'essences variées des années 58 et 59 possède une vraie chronologie de construction : le corps du bâtiment, construit en 58/59, a été agrandi à l'ouest en 60/61 avec création d'une nouvelle chape d'argile (chape 8) qui sera un temps abandonnée puis réutilisée jusqu'à la fin du village.

- à l'est, la maison 21 B, carrée avec un grand foyer central (chape 2 en place depuis le début jusqu'à la fin de l'occupation) possède une majorité de pieux coupés en 60 et 61 avec deux de 58 ; il est fort probable qu'elle est de 58/59 en conformité avec la chape. Le plan que nous proposons nous semble trop petit par rapport à l'importance de cette chape mais il n'y a pas d'autres pieux à lui rattacher : un certain nombre aurait donc disparu, ce qui est possible comme on le verra plus loin.

- au sud-est la maison 22 B est constituée théoriquement de troncs abattus en 60/61 puisqu'ils sont les plus nombreux ; mais avec la chape 6 qui date du tout début de l'occupation cela veut dire que la maison serait en réalité de 58/59 mettant en cause les dates de 60/61 données par le laboratoire.

- cette maison serait restée en place jusqu'à la fin avec changement de position du foyer : la chape 5 plus récente que la chape 6.

- entre ces maisons prennent place trois petits édifices quadrangulaires avec des pieux coupés en 59 : S 1, S 2 et S 3, vraisemblablement des " greniers ".

- la palissade date de cette phase.

années 60/61 : deuxième phase de construction (Fig. 63)

- Une maison 21 A (en partie maison 21 identifiée en 1993) au nord-ouest avec la chape 3 est bâtie avec des sapins et frênes de 60 complétés par quelques autres de 58, 59 et des non datés. La chape, déposée quelques années après le début de l'occupation, précise qu'elle fut édifiée à la deuxième phase de construction.

- Au nord-est, la maison 21 C, avec la chape foyère 4, a été édifiée avec des pieux de 60, 61 et quelques uns de 58/59 ; placée en bord de fouilles, elle est incomplète. La chape 4, constituée après le début de l'occupation, atteste bien que la maison a été édifiée postérieurement, de quelques années, à l'arrivée des hommes, donc d'une deuxième phase de construction.

- Nous avons vu que la maison 22 A a été modifiée en 60/61 avec création d'une nouvelle zone foyère dans d'agrandissement.

- Les " greniers " S 2 et S 1 ont reçu de nouveaux pieux en 60/61.

années 64/65 : troisième phase de construction (Fig. 64)
Dans le centre, le grenier S 3 est reconstruit un peu décalé mais de même forme et de même dimension, en 64/65.
Au sud du site, dans une zone non fouillée où seuls les pieux ont été dégagés pour prise d'échantillons, on reconnaît trois structures rectangulaires de plan régulier : deux édifiées en 64 (Maisons 24 et 25) et une en 65 (Maison 26).

années 70/71: dernière phase de construction (Fig. 65)
- La maison 23, incomplète vers l'est, autour de la chape 7 mise en place très tardivement, rassemble des arbres d'essences variées de 70, 71 et 72 ; ce sera la dernière construction.

- Les chapes 3, 4 et 5 (Fig. 63) ont été recouvertes de sédiments ce qui témoigne de leur abandon : les maisons 21 A, 21 C et 22 B n'existaient donc plus à la fin de l'occupation alors que les autres devaient encore être utilisées. On ne sait rien sur la durée des greniers si ce n'est que le S 2 a été reconstruit en 64.

En résumé :
Seule la grande maison 21 A est tout à fait semblable à celles du premier village et c'est la première construite, en deux étapes distinctes faciles à discerner. La disposition des édifices des uns par rapport aux autres est différente :

- si les surfaces des édifices paraît, plus variable que celles de la première occupation, la raison peut se trouver dans nos erreurs d'interprétation.

- les maisons 21 A et 22 A comme celles 21 C et 22 B sont séparées par des ruelles

- une cour centrale existe entre les maisons 22 A, 21 C et 22 B ; cette cour a été close au sud par les constructions de 64/65.

La disposition intérieure, souvent irrégulière, est à deux et à trois nefs mais je n'ai pas pu mettre en évidence des auvents comme dans le premier village : le plan des maisons est trop incertain sauf pour 21 A et 22 A.

Dans nos propositions de plans des structures du deuxième village : les maisons 21 A et 22 A ont été les plus faciles à déterminer et ce sont celles dont les dimensions, la forme et l'âge sont les plus assurés. Les autres, dont l'existence est attestée par la présence de chapes foyères, leur morphologie relève souvent de l'hypothèse et de l'approximation. Nous verrons plus loin que cette opinion est confortée par d'autres preuves.

6 - Hypothèses sur l'architecture des constructions
On constate, par rapport aux structures de la première occupation, une relative anarchie dans la disposition des pieux : pas d'alignements précis, bois intermédiaires nombreux, diamètres variés et emploi privilégié du frêne avant l'an 64. Après cette date le sapin est mieux représenté ce qui se traduit par des plans plus nets, plus faciles à établir.

On pourrait penser qu'un niveau trop variable du lac aurait obligé d'avoir recours à des maisons au plancher surélevé mais les chapes foyères ou une couche d'écorces entrecroisées reposant directement sur le sol ne concordent pas avec cette hypothèse. La répartition spatiale des éclats de silex et des céramiques présentent des regroupements très denses semblables à ceux du premier village : ils n'auraient pas été conservés lors de la destruction de maisons à plancher surélevé. Cette hypothèse n'est pas soutenable.

Lors de l'arrivée en l'an 58 les occupants ont profité des chapes foyères encore bien visibles (voir les coupes stratigraphiques). Ils ont trouvé un terrain moins meuble, couvert de limon durci et contenant des restes anthropiques : couche végétale d'occupation, de galets, meules, accumulation de pierres de chauffe (tènevière), tas de détritus (céramiques, os, etc.) (voir Fig. 66) la répartition des quartzites cassés). La craie lacustre pure n'était pas suffisamment accessible pour y planter facilement les pieux par effet tixotropique et la fouille n'a jamais mis en évidence des trous creusés pour les recevoir. Beaucoup ne purent pas être enfoncés profondément et pour stabiliser les structures il a été nécessaire de multiplier les poteaux, souvent de les doubler et de les contrebuter en tous sens, ce qui explique le nombre très élevé des troncs qui accompagnent suivent les alignements formés par ce que nous considérons comme l'ossature principale des édifices. En outre bien des pieux ont un très fort pendage, bien vu et mesuré à la fouille.

On peut comprendre les difficultés qui ont été rencontrées lors de l'enfoncement des troncs quand on reporte les structures supposées de la deuxième occupation sur le plan de répartition des pierres de chauffe accumulées dans le premier village (Fig. 66) :
- la maison 22 A possède, parmi toutes les autres, le plan le mieux assuré avec une forme régulière identique à celles du premier village, des alignements nets, une évolution cohérente dans le temps : là les quartzites sont quasiment absents de son sol.

- la maison 21 A présente des caractères très voisins et son sol a peu de quartzites.

- plus difficile est de cerner la maison 21 B autour d'une importante chape foyère : nous l'avons limitée à une faible surface mais sa partie sud et ouest possède un sol très pierreux où des pieux peu enfoncés ont pu disparaître.

- quant aux maisons 21 C et 22 B nous avons fondé nos plans avec quelques pieux et les répartitions de silex : leur sol possède de grosses épaisseurs de quartzites.

- la maison 23, dont seule la partie ouest est visible, possède peu de pieux datés, son sol est libre d'obstacles et son amorce de plan repose surtout sur les répartitions.

Nous pensons cette démonstration suffisamment explicite pour faire comprendre l'origine de bien des difficultés tant de construction au néolithique que d'interprétation des vestiges de pieux.

Donc totalement différente est la technique de construction utilisée pour le deuxième village par rapport à celle mise en œuvre dans le premier, installé sur de la craie lacustre intacte. La nature du terrain a donc une importance majeure sur les modes d'édification des structures de bois et les deux occupations montrent que les hommes connaissaient les propriétés de la craie et savaient s'adapter quand ils ne pouvaient pas les utiliser.

Le deuxième village illustre la technique qui devait être habituelle pour construire sur les terrains hétérogènes, en zone déboisée ou en clairière, où il était impossible d'enfoncer facilement des pieux sur 3 à 4 m de profondeur…

7 - Héritage culturel des premiers occupants
La direction du vent dominant dans le bassin du lac de Paladru n'a pas dû changer entre les deux occupations et l'orientation générale des constructions est identique à celle du premier village.

Le deuxième village a-t-il suivi le même rituel de construction que le premier ? Il n'est pas discernable dans les pieux d'organisation particulière comme dans le tronc de frêne éclaté de l'an 2. Plusieurs maisons ont utilisé les chapes foyères existantes et certains pieux devaient encore apparaître à l'arrivée des hommes : était-ce suffisant pour admettre le même rite d'installation ?

On remarquera seulement que la maison 21 B, avec son foyer déjà existant, s'inscrit parfaitement au centre du quadrilatère de frênes mis en place 58 ans auparavant mais elle serait bien plus petite que celle de l'an 2, d'après les pieux retrouvés et datés.

En l'absence de témoins concrets, on dispose seulement d'une construction parfaitement centrée dans l'ancien quadrilatère d'origine : ce n'est probablement pas fortuit et ce serait un héritage culturel ou cultuel chez les Néolithiques de Charavines. Cela expliquerait aussi que les descendants aient occupé très exactement le même emplacement alors que 200 m de plage libre pouvait les accueillir plus à l'ouest : sur une craie lacustre vierge d'installation, il aurait été aussi facile de planter les pieux que lors de la première arrivée des hommes, sans être gêné par les sols pierreux du premier village.

C'est peut-être pour des raisons ou des croyances " religieuses " qu'ils ont préféré affronter des difficultés supplémentaires sur un terrain " consacré " lors d'une occupation antérieure. Si leurs convictions les obligent à revenir exactement au même endroit au cours des différentes étapes de leur semi-nomadisme en forêt, ce qui parfaitement possible, ils auraient établi en 2699 av J.-C. une " ville neuve " au bord du lac et n'y seraient revenus qu'une seule fois puisque la montée définitive des eaux en a empêché l'accès plus tard. Cela expliquerait la superposition constatée dans les villages néolithiques littoraux de Suisse et du Jura alors que la place ne manque généralement pas sur les rives.

Les habitats voisins établis sur terre ferme obéissaient-ils aux mêmes règles ? On peut le sup-poser, ce qui expliquerait que bien des sites néolithiques terrestres connus possèdent plusieurs niveaux d'habitat superposés, souvent séparés par des couches stériles d'abandon.

8 - Les bois non datés.
Il y a 489 pieux non datés (avec seulement 16 sapins) dont 76 sont d'espèce non déterminée. Un nombre plus ou moins important relève de la première occupation, probablement pour des aménagements complémentaires : c'est une hypothèse encore invérifiable car on ne dispose d'aucune date de feuillus pour le premier village.

On remarquera que 103 ont un diamètre inférieur à 9 cm, majoritairement en aulne, frêne, hêtre et noisetier, et n'entraient pas dans l'ossature des maisons (Fig. 32). De nombreux bois d'œuvre, l'aulne, le hêtre, le saule et le frêne, ont un diamètre supérieur à 12 cm : ils ont dû entrer dans les structures et on a vu les difficultés amenées par l'absence de dates. Les bois de diamètre inférieur à 8cm ne sont jamais en sapin, orme et érable ce qui exclut ces espèces des petits aménagements domestiques.

D - CONCLUSIONS SUR LES STRUCTURES

Les résultats obtenus pour le premier village sont du plus haut intérêt et d'une grande clarté : ils témoignent de la fiabilité et de l'exactitude des analyses dendrochronologiques. Toutefois les analyses n'ayant pas daté les feuillus, nous avons de la première occupation les grandes lignes architecturales mais fausse dans le détail par absence des aménagements domestiques ou autres.

Il n'en est pas de même pour la période d'abandon où, à mon sens, des dates proposées sont entachées d'erreurs. En outre, étalées sur près de 20 ans avec quelques arbres toutes les années, elles ne permettent pas d'établir de plans cohérents : je doute tout à fait de l'existence de cette phase d'abattage intermédiaire entre les deux occupations ou au moins à en minimiser beaucoup l'importance telle qu'elle nous a été fourni par le laboratoire.

Pour la deuxième occupation, les plans ont été très difficiles à établir mais des structures vraisemblables ont pu être mises en évidence aujourd'hui pour la première fois avec autant d'ampleur et de cohérence. C'est un complément très apprécié pour l'étude de ce site.


En conclusion et compte tenu des difficultés de datations, la possibilité de maisons à plancher surélevé dans le deuxième village n'est pas envisageable mais, comme pour le premier village, les petites structures de type grenier, ont pu avoir des planchers surélevés : on ne retrouve aucun effet de paroi dans leur voisinage.

Les deux villages construits sur le même emplacement à 40 ans d'intervalle présentent des analogies (forme rectangulaire des maisons, ruelles, cours, activités et vie quotidienne, etc.) mais aussi des différences dans la technique mise en oeuvre pour la construction et aussi dans les essences végétales utilisées, différence induite par la présence d'une forêt reconstituée différente de celle trouvée 60 ans plus tôt où le sapin était prépondérant.

E - CONCLUSION SUR LA DENDROCHRONOLOGIE

Jusqu'en 1993 j'ai eu des rapports étroits avec C. Orcel lors de la constitution de la base de données dendrochronologiques et les résultats peu discutables obtenus pour le premier village sont le fruit d'une amicale et efficace collaboration.
En 2002 il nous fut alloué par le Conseil Général de l'Isère une subvention pour la datation des feuillus, ce qui nous paraissait indispensable en particulier pour la deuxième occupation qui devait en comporter un gros pourcentage. Archéolabs nous a fourni en décembre 2003 le résultat des analyses mais, sur 758 échantillons, 489 ne furent pas datés, soit 35% de résultats positifs : heureusement la plupart des frênes, des ormes et des érables le furent, laissant complètement de coté les autres essences (dont les aulnes qui ont de forts diamètres).

J'ai expliqué les difficultés rencontrées pour l'établissement des structures car listes et plans par années étaient fournis, sans commentaires.
Très rapidement j'ai compris les difficultés et j'ai demandé à deux reprises des réunions de travail avec les dendrochronologues, mais aucune suite n'y fut donné. Ma connaissance du site et des fouilles m'a permis de réexaminer bien des dates, de les confronter aux réalités de terrain et de les rendre compatibles avec une logique architecturale et chronologique, comme celle que nous avions établie pour le premier village.

L'étude a démontré que les dates fournies ont eu leur utilité pour arriver à des résultats intéressants, même si elles ne sont pas toutes exactes dans l'absolu.
Je déplore que ce présent travail n'ait pas été conduit en collaboration avec le laboratoire car ma propre interprétation aurait pu, elle-même, être sensible à des arguments bien étayés comme ce fut souvent le cas, autrefois, avec le fondateur d'Archéolabs. Le laboratoire s'est conduit en simple prestataire de service, assuré de ses certitudes et qui livre ses résultats en les considérant comme exacts par principe : on a vu que ce n'était pas toujours le cas. Ce n'est pas ma conception de la démarche scientifique, éminemment pluridisciplinaire en archéologie.

 

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LES VILLAGES ET L'ARCHITECTURE DES MAISONS
PAR LA DENDROCHRONOLOGIE

Voir les plans du deuxième village

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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