INTERPRÉTATION SOMMAIRE DES ANALYSES PALYNOLOGIQUES


Aline EMERY - BARBIER
Laboratoire de Palynologie du Musée de l'Homme

(Rapport de fouilles, 1984)


L'étude des pollens s'intègre dans un travail de groupe dans lequel différentes disciplines étudient les mêmes sédiments livrant à l'analyse des témoignages concrets de la présence humaine. La palynologie peut donc confronter ses résultats avec ceux obtenus par les méthodes de datation basées sur la radioactivité et la typologie ; en rapport avec la sédimentologie, l'étude des macrorestes et la dendrochronologie, elle peut fournir des informations d'ordre paléoethnographique concernant l'occupation du lac de Paladru dans l'espace et dans le temps et l'exploitation du milieu naturel végétal par une société néolithique.

1. OCCUPATIONS SUCCESSIVES DES RIVES DU LAC
AVANT L'OCCUPATION DU SITE DE CHARAVINES

Trois mètres de sédiments sur lesquels reposent les couches archéologiques ont été étudiés (Réf. Emery-Barbier, 1986, fig. 1). L'analyse permet d'enregistrer le passage d'un milieu fortement boisé où dominent la Chênaie mixte et le noisetier à une Hêtraie-Sapinière au sein de laquelle Fagus et Abies dominent tour à tour. La forêt de feuillus reconstituée par l'expansion du noisetier mais aussi du chêne, de l'orme et du tilleul, caractérise la période Atlantique, plus humide et plus douce que la période actuelle. Faisant suite à cet optimum climatique, une légère dégradation conduisant à des conditions sub-continentales a amorcé la reconquête locale du hêtre et du sapin en même temps que l'orme et le tilleul régressaient très légèrement.
C'est au cours de cette dernière période, le Subboréal, que se situe la principale occupation néolithique sur les rives du lac de Paladru (4540 +/- 120 B.P). Mais l'examen de cette longue séquence sédimentaire permet de mettre en évidence plusieurs phases de retrait de la forêt étagées sur une période de 600 ou 700 ans et caractérisées principalement par une nette diminution du pourcentage de pollen de sapin. La présence trois fois répétée de céréales dans des niveaux correspondants, ainsi que celle du lin, permet d'envisager que certains retraits de la forêt ont une origine anthropique et que les zones riveraines ont été occupées longtemps avant que ne s'installent les hommes de la civilisation Saône-Rhône sur le site même de Charavines. Ainsi, dès la fin de la période Atlantique le lac de Paladru a été fréquenté ; mais c'est l'analyse des sédiments des couches archéologiques de l'occupation principale séparée en deux phases, qui fournit le plus de renseignements relatifs à l'influence humaine sur l'environnement.


2. LES RAPPORTS ENTRE L'HOMME ET SON MILIEU

2. 1. Actions sur la forêt : coupes et sélection des espèces

L'effet dominant de l'homme sur son milieu est l'exploitation de la forêt qui lui fournit un matériau indispensable à la réalisation de l'habitat, à la confection d'objets usuels et décoratifs, ainsi qu'à l'alimentation des foyers domestiques ou artisanaux. Le pourcentage de pollens arborescents, supérieur à 95 % avant l'arrivée de l'homme, chute à un taux de 65 % lors de la première occupation et à celui de 65 % lors de la seconde. Il est important de préciser que ces valeurs ont été obtenues en excluant du nombre total de pollens, les grains issus d'espèces dont la présence sur le site est indéniablement d'origine anthropique, en l'occurrence ils diffèrent des résultats portés sur le diagramme ; ceci place à un niveau plus réel l'importance des travaux d'abattage effectués par l'homme.
L'analyse pollinique montre que l'exploitation des essences forestières n'a pas été identique lors des deux occupations. L'étude des bois a montré l'utilisation fondamentale du sapin dans la construction du village et l'on peut constater, dès la première occupation, que le pourcentage de pollen de cette espèce régresse jusqu'à 5%.
Au cours de la deuxième période d'occupation, les diminutions du sapin et du hêtre sont parallèles et atteignent des valeurs diminuées respectivement de 20 et de 30 %. Une telle modification dans la population de hêtres ne semble pas justifiée par la quantité de bois travaillé correspondant à cette espèce ; il est probable que le hêtre a surtout servi de combustible. Durant cette phase on enregistre un net retrait de l'orme. Il apparaît donc une évolution dans l'utilisation du bois ; d'abord concentrée sur une seule espèce, celle-ci s'est diversifiée en fonction des besoins et sans doute d'une prise de connaissance des propriétés particulières à chacune des essences.
Toutefois, la régénération de la Fagabiétaie semble s'être réalisée rapidement. Après un abandon du site estimé à trente ou quarante années, un taux de 95 % de pollens arborescents est à nouveau mis en évidence : le sapin et le hêtre ont reconquis l'espace. Les exploitants forestiers, pour des raisons pratiques et techniques, ont abattu des arbres de diamètres moyens. Cette opération d'une part permet un afflux de lumière au niveau des houppiers, favorisant la floraison et la production de graines par les semenciers ; d'autre part elle détermine des trouées à l'intérieur d'un peuplement plus ou moins élevé dans lesquelles les jeunes sujets d'essences d'ombre ou de demi-lumière comme le hêtre et le sapin peuvent se développer. Ainsi, l'utilisation temporaire de la Fagabiétaie a pris la forme d'une gestion empirique favorable à sa conservation. La conduite de la régénération des hêtraies ou des sapinières fondée sur la connaissance expérimentale de l'influence de la lumière sur les végétaux, est pratiquée actuellement de la même manière sous le nom de "futaie jardinée".
Il est possible de remarquer que le noisetier, le frêne et le saule sont moins abondants après le départ des hommes. Au cours de la seconde phase d'occupation, les pourcentages de pollen de Quercus et d'Ulmus s'annuleront brièvement. Ultérieurement, la présence toujours régulière de l'orme et du frêne sera considérablement réduite : l'exemple de Charavines montre que les facteurs climatiques au Subboréal se sont ajoutés aux facteurs anthropiques pour provoquer le déclin de ces deux espèces.

2. 2. Elevage et cultures

L'étude de niveaux tourbeux contemporains des couches archéologiques se situe à 400 mètres des habitations néolithiques. Elle permet de suivre l'évolution de la végétation et le devenir des clairières. La coupe des sapins est compensée au niveau des pollens arborescents par une poussée de l'aulne. Un recul plus important de la forêt affectant toutes les espèces, détermine des trouées dans lesquelles les fougères produisent une plus grande quantité de spores. C'est dans ce milieu que se développent en association graminées et cichoriées pour constituer un type de prairie humide. L'analyse des macrorestes confirme ce fait par la mise en évidence dans les couches d'habitat de graines de Molinia coerulea, alors que les graminées constituant les prairies sèches ne sont pas représentées ; la prairie turficole est susceptible d'amélioration si le plan d'eau est abaissé ou si un drainage est possible, mais le pourcentage élevé de pollen d'aulne ne semble pas abonder dans ce sens ; d'autre part le fourrage susceptible d'être récolté est médiocre, ce qui pose le problème de la nourriture du bétail en hiver.
L'espace conquis sur la forêt a servi également aux cultures : les mêmes niveaux tourbeux ont livré une colonne continue de pollen de céréales dont le taux de représentation localise en cet endroit la limite d'un champ cultivé ou le champ lui-même. L'un des niveaux étudiés nous donne une valeur de 16 % ; celle-ci n'est pas compatible avec les valeurs mises en évidence par les différents travaux de méthodologie, ces derniers tendant à montrer qu'en bordure des champs cultivés, les proportions atteignent rarement 12 %. On peut alors envisager que, à moins d'un facteur de dissémination exceptionnel, le battage avait lieu quelquefois dans les champs. Dans les couches d'habitat, les pollens de céréales atteignent 20 %, ce qui peut situer une aire de stockage des épis, les glumes ayant la particularité de retenir le pollen.
Il est possible de remarquer, parallèlement à la culture des céréales, une alternance d'échantillons parfaitement utilisables et d'échantillons stériles contenant une forte proportion de charbons de bois. Cette observation fait envisager une méthode de culture sur brûlis, appelée écobuage, présentant l'avantage d'éviter tout travail de sarclage et permettant à brève échéance de fertiliser le sol. L'absence dans le spectre pollinique de plantes rudérales viendrait corroborer ce fait.

2. 3. Remarques sur quelques végétaux particuliers

Dans les couches d'habitat on observe une plus grande fréquence de pollens de noyer, de tilleul, de lierre et de houx. Des objets en bois de houx ont été retrouvés ; le travail de menuiserie est probablement responsable de cette sur-représentation pollinique. Le lierre ramené au village avec les bois pouvait également être consommé par les chèvres et les moutons. La noix est comestible, mais en extrayait-on de l'huile ? Quelle était l'utilisation réservée au tilleul ? Connaissait-on les propriétés antispasmodiques, calmantes et rafraîchissantes de ses fleurs ou la résistance et la flexibilité des fibres de l'écorce et du liber étaient-elles mises à profit dans la confection de cordages ?
Un seul grain de pollen de Linum a été identifié (le lin est bien connu par ses graines et sa teille) mais un niveau de la première phase d'occupation a livré 9 % de pollen de garance (Rubia sp.). Étant donné les préférences écologiques strictes de ce végétal, on doit admettre son apport sur le site pour une utilisation peut-être tinctoriale.
Une dernière remarque concerne la courbe continue d'Allium (type Ursinum) dont la fréquence atteint jusqu'à 4 et 5 %. Il s'agit d'un exemple de culture, les pollens apparaissant et disparaissant avec la présence humaine.
L'étude des pollens a permis de saisir certains aspects de la vie d'une société néolithique ; si les points relatifs aux méthodes alors employées sont encore hypothétiques, les recherches ont mis l'accent sur les végétaux sélectionnés, cultivés ou entretenus pour être employés en tant que comestibles, textiles ou peut-être remèdes ? La palynologie est complémentaire de l'étude des macrorestes et les résultats obtenus dans les deux disciplines sont tout à fait en accord.

3. PETITS ÉLÉMENTS DE MACRORESTES VÉGÉTAUX : DÉTERMINATION DES ESPÈCES

Sur 21 triangles métriques et sur les deux niveaux ont été récupérés quelques éléments végétaux privilégiés (tableau 1) : copeaux et éclats de bois, baguettes et baguettes présentant des traces de combustion (baguettes brûlées). 312 éléments ont déjà été déterminés par K Lundström-Baudais et il en reste encore quelques dizaines à analyser.
Bien que longue et fastidieuse, cette étude sur le terrain devait être tentée afin de conforter certaines conclusions déjà possibles à partir d'autres observations ou d'autres analyses. Quand toutes les déterminations seront faites il sera intéressant d'en voir évoluer la répartition spatiale. Déjà, comme le précise le tableau ci-après, on peut tirer quelques enseignements:
- Les bois d'oeuvre utilisés pour les constructions ou aménagements annexes ont été façonnés sur place, laissant de nombreux copeaux.
- Les bois blancs semblent avoir été plus utilisés durant la 2ème phase comparativement au sapin, ce qui confirme les conclusions dendrochronologiques.
- Le houx, très abondant en baguettes et aussi baguettes brûlées, est très intéressant. En effet, l'analyse palynologique d'un coprolithe (A. Emery-Barbier) montre un bon pourcentage de pollen de houx (6 sur 39) assez peu explicable. On doit relier les deux observations dans la possibilité d'utilisation des feuilles de houx comme fourrage. Il ne resterait sur place que des petites branches, dont certaines auraient ensuite été employées comme combustible.

EMERY-BARBIER A., 1986. Variation du milieu et occupation du sol à Charavines (Isère). In : Bocquet A (Dir.) : Station des Baigneurs, village néolithique immergé (Isère, Charavines, lac de Paladru). Rapport de fouilles, d'études connexes et d'animations.

 

 

VARIATION DU MILIEU ET OCCUPATION DU SOL
À CHARAVINES (ISÈRE)

Aline EMERY-BARBIER
Laboratoire de Palynologie du Musée de l'Homme

(Rapport de fouilles, 1986)


La culture Néolithique Saône-Rhône a pour distribution géographique le Jura, la plaine de la Saône, la Suisse occidentale, la Savoie et le sud du Dauphiné. Agriculteurs, ses éléments sociaux se sont répartis surtout autour des lacs et dans les zones basses et humides à partir du troisième millénaire avant J.-C.. L'occupation des rives du lac de Paladru, à Charavines, par les hommes de la civilisation Saône-Rhône a eu lieu tardivement puisque le début de celle-ci est daté de 2540 +/- 120 B.C. Elle s'est effectuée en deux phases de durée sensiblement égale ou équivalente à vingt ou trente ans séparées par une période d'abandon de trente ou quarante ans. Aucun habitat antérieur n'a été signalé en ce lieu.
A Charavines, les analyses polliniques de colonnes parallèles de sédiments ont permis de mettre en évidence certaines particularités de l'occupation humaine ainsi que son extension dans l'espace, nécessitée par l'agriculture et l'élevage.


1. CONDITIONS FAVORABLES

Un certain nombre de conditions favorables ont précédé l'installation humaine et il semblerait qu'un changement de végétation soit l'une d'entre elles. L'analyse pollinique des sédiments situés trois mètres sous les couches archéologiques (fig.1) donne la représentation d'une forêt de feuillus constituée de chêne, d'orme et de tilleul avec une grande expansion du noisetier. Le hêtre et le sapin y sont déjà présents en faible quantité. Ils se développeront rapidement et constitueront à partir de -3000 B.C., un groupement végétal caractéristique, la hêtraie-sapinière. Les exigences écologiques du sapin étant voisines de celles du hêtre, les deux espèces pourront se trouver mélangées et domineront tour à tour en fonction du phénomène d'alternance des espèces. Ainsi, à l'optimum climatique Atlantique a suivi, au début du troisième millénaire B.C., une dégradation affectant principalement le domaine des températures, et ces conditions ont permis l'installation au Subboréal et en ce lieu d'une forêt Climacique présentant les avantages classiques des peuplements mélangés ; meilleur état des sols, plus grande résistance aux parasites, au vent, à la neige : soit une plus grande prospérité de la forêt. Actuellement, les forestiers tentent de maintenir ce milieu là où il existe, ou de le recréer là où il a disparu.
La sélection du sapin par les hommes est nettement perçue au niveau du diagramme pollinique : la longue séquence sédimentaire antérieure à l'occupation permet de mettre en évidence plusieurs phases de régression de la forêt étagées sur une période de 600 ou 700 ans et caractérisée principalement par une nette diminution du pourcentage de pollen de sapin. La présence trois fois répétée des céréales dans les niveaux correspondants ainsi que celle du lin permet d'envisager que certains retraits de la forêt ont une origine anthropique et que les zones riveraines ont été occupées longtemps avant que ne s'installent les hommes de la civilisation Saône-Rhône, à la faveur d'une baisse du niveau du lac. Il semblerait que la fréquentation humaine et l'extension de la forêt soient étroitement liés pour le site de Charavines.

La deuxième condition favorable à Charavines est représentée par les facteurs édaphiques. En effet, si le sapin permet de définir les conditions locales au Subboréal en raison de son manque de plasticité vis-à-vis des éléments naturels, le hêtre nous donne certaines indications relatives à la qualité des sols sur lesquels s'est installée la hêtraie-sapinière. Le hêtre manque de tolérance au point de vue des propriétés physiques des sols qu'il exige frais et filtrants et dans lesquels il doit trouver une nutrition minérale abondante. D'autre part, dans le groupement hêtraie-sapinière, le hêtre maintient le sol dans un parfait état d'équilibre.
Le biotope autour du lac de Paladru offre des conditions favorables à l'implantation humaine, aux confins de deux écosystèmes et de leurs ressources. La végétation est suffisamment diversifiée en ce qui concerne les essences forestières pour pourvoir aux besoins humains. Le sapin, particulièrement recherché, a peut-être été sélectionné pour ses qualités technologiques, sa facilité d'abattage ou sa résistance à la décomposition. Quoi qu'il en soit, il a fourni un bois d'œuvre de qualité, largement utilisé dans la construction du village en regard des autres espèces ayant servi de bois de feu ou d'outillage.


2. LA BAISSE DU NIVEAU DU LAC

Le retrait du lac a mis à nu une surface de craie lacustre propice à l'installation d'un hameau bien exposé dans la partie Sud du lac. Le substrat crayeux a une propriété importante : celle de se ramollir sous la pression, à la manière des sables mouvants, ce qui permet l'enfoncement rapide, à grande profondeur, de pieux destinés à soutenir les habitations.
Le déterminisme de la baisse de niveau du lac est mal connu: l'analyse pollinique ne révèle aucune variation climatique susceptible de la justifier. Les résultats obtenus par les études de dendrochronologie indiquent une alternance d'années humides et sèches avant la première occupation, alors que les cernes des arbres utilisés lors de la deuxième période montrent une succession d'années sèches ; la croissance de ces arbres s'est effectuée au cours de la période d'abandon du village caractérisée par une transgression lacustre. Un essai d'interprétation climatique aboutit à un paradoxe ; est-il alors possible d'envisager une cause géologique ou même anthropique ?.


3. L' OCCUPATION DES SOLS

voir ci-dessus Emery-Barbier, 1984.

4. L' ÉLEVAGE

Les sédiments de Charavines livrent très peu de pollen de plantes herbacées : la plus grande proportion de ceux-ci a été mise en évidence au niveau de la tourbe dans les couches précédant l'agriculture et révèle la présence essentielle des Graminées mélangées à quelques Cichoriées. L'analyse des macrorestes végétaux a permis d'identifier dans les couches d'habitat des grains de Molinia coerulea, graminée des prairies humides. Cette graminée constitue un aliment pauvre et le fourrage susceptible d'être récolté est de qualité tout à fait médiocre. Ceci permet de poser le problème de la nourriture du bétail (chèvres et moutons pour les herbivores), l'élevage étant pratiqué dans le village.
L'analyse de quelques coprolithe a été réalisée ; elle permet de les classer en deux types :
- Les uns comprennent une forte proportion de hêtre et de sapin et ne nous apportent pas d'informations sur les modalités de l'élevage, ces animaux se nourrissaient dans ou en bordure de la forêt.
- Les autres sont exclusivement constitués du point de vue botanique par des Ombellifères, des Cichoriées, des spores et des sporanges de polypode. Cette composition fournit deux indications ; la première concerne les fougères, qui ne sont généralement pas consommées par les animaux : leur présence dans les coprolithes montre que les fragments de limbes ont été ingérés avec les aliments et que les fougères étaient utilisées comme litière. La seconde indication est la présence dans les coprolithes d'un ensemble végétal plus riche que la prairie turficole, n'appartenant pas à la flore herbacée accompagnant la hêtraie-sapinière, mais évoquant plutôt une prairie sèche d'altitude. L'observation de la flore régionale contemporaine à partir des diagrammes palynologiques permet de dire que les Cichoriées et les Ombellifères susceptibles de correspondre aux préférences alimentaires animales étaient bien représentées à partir de 1500 mètres et qu'il y avait sans doute déplacement loin du village pour récolter la nourriture ou emmener paître le troupeau.

Le village a donc été le centre d'activités agricoles et techniques ayant nécessité un éloignement de plus en plus grand, tant pour la culture des céréales que pour l'élevage, par suite de l'appauvrissement des sols et des besoins du bétail.

Bibliographie

EMERY-BARBIER A., 1984. Interprétation sommaire des analyses palynologiques. In : Bocquet A. (Dir) : Station des Baigneurs, village néolithique immergé (Isère, Charavines, lac de Paladru). Rapport de fouilles, d'études connexes et d'animations.

 

ANALYSE POLLINIQUE DES COPROLITHES DE
CHARAVINES-LES BAIGNEURS

Hervé RICHARD
Laboratoire de Chrono-Écologie, URA 35 CNRS, Faculté des Sciences
Besançon (Doubs, France)

(Rapport de fouilles, 1986)


Une analyse de coprolithes effectuée sur le site lacustre de Clairvaux (Lambert-Jauretche et alii, 1983) avait abouti à de nombreuses questions restées sans réponse ; nous pensions grâce aux coprolithes de Charavines, plus nombreux, en éluder quelques-unes. Malheureusement, de nouveaux problèmes se sont posés comme la mauvaise conservation et la pauvreté de ces échantillons qui rendent toute interprétation difficile voire aléatoire.
Les échantillons de Clairvaux, quand ils n'étaient pas carbonisés, étaient riches en matériel sporo-pollinique, nous avons donc préparé les 4 premiers échantillons de Charavines comme ceux de Clairvaux, c'est-à-dire avec la méthode dite NaOH. Un premier décompte au microscope a démontré l'extrême pauvreté de ces échantillons. Ils ont alors été préparés avec la méthode employant une liqueur lourde : la solution de Thoulet. Une nouvelle fois, malgré les performances de cette méthode de concentration, les échantillons se sont révélés très pauvres.
Les tableaux 1 et 2 rassemblent les résultats des 26 échantillons analysés à ce jour : 23 échantillons de l'ensemble B3 et 3 de l'ensemble B1. Avant préparation les échantillons étaient soigneusement lavés et lorsqu'ils étaient suffisamment gros la carapace extérieure était éliminée et seule la partie intérieure était analysée (indication "cœur" sur le tableau 1). Les résultats des sept échantillons les plus riches sont exprimés en pourcentages, les autres en nombre de pollens.
Ces analyses posent de nombreux problèmes interprétatifs. Il faut d'abord essayer de saisir la cause de la dégradation des pollens. En effet, les coprolithes de Clairvaux - à peu près contemporains et conservés dans le même milieu - sont riches, les excréments frais sont extrêmement riches: une crotte de mouton peut renfermer plus de 10.000 pollens parfaitement conservés.
Des analyses effectuées sur des coprolithes carbonisés montrent une suppression presque totale des spores et des pollens, on peut alors se demander si une grande partie des coprolithes de Charavines n'a pas été altérée par carbonisation, sans exclure d'autres interventions physico-chimiques. Ensuite, les résultats montrent de nombreuses incohérences: comment par exemple expliquer la sur-représentation du hêtre (41 pollens sur 54) dans l'échantillon 25. 0 B3, les 31 pollens de lierre sur 80 dans l'échantillon 27.30 B3, les 30,4% de céréales dans 29.28 B3.
L'analyse d'excréments frais actuels montre, ce qui est parfaitement logique, une écrasante majorité (plus de 99%) de pollens de plantes herbacées, or ici les pollens d'arbres ou d'arbustes représentent souvent plus de la moitié des pollens comptés. Seul l'échantillon 29.28 B3, et éventuellement le 29.32 B3 trop pauvre malheureusement, pourrait se rapprocher de l'image pollinique attendue dans ce genre d'échantillon, c'est-à-dire en majorité herbacée avec une dominance pour ce cas précis de céréales, de cichoriées et de rosacées. Mais là aussi ce régime alimentaire colle difficilement avec ce qu'on sait de l'environnement végétal de cette époque. Et même s'il est probable que les moutons paissaient dans des prairies largement envahies par des arbres et arbustes et également en forêt, il est inconcevable de retrouver des pollens de plantes fleurissant à la fin de l'hiver comme le noisetier et l'aulne dans le même coprolithe, donc normalement ingérés en même temps que des pollens de plantes de fin de printemps comme le sapin, le pin et le chêne (cf. échantillon 27.20 B3, 25.8 B1).
Lors de l'analyse des coprolithes de Clairvaux et face à ce problème identique avait été envisagée l'éventualité d'une pollution des excréments lorsqu'ils étaient encore frais par les niveaux encaissants. Une comparaison des résultats obtenus ici avec les analyses effectuées sur les niveaux d'où proviennent ces coprolithes apporterait peut-être quelques éléments de réponses supplémentaires.


Bibliographie

LAMBERT-JAURETCHE G., PETREQUIN P et RICHARD H., 1983. Périodicité de l'habitat lacustre néolithique et rythmes agricoles. L'Anthropologie, t. 87, n° 3, p. 393-411, 11 fig.

 

 

UN COPROLITHE DE CARNIVORE ( ? )

ANALYSE PALYNOLOGIQUE

Hervé RICHARD
Laboratoire de Chrono-Écologie, URA 35 CNRS, Faculté des Sciences
Besançon (Doubs, France)

(Rapport de fouilles, 1987)


La détermination de ce morceau de coprolithe (?) n'est pas facile. Il faut supposer, qu'étant fortement carbonisé, il a perdu une partie importante de son volume (trouvé en 2.34. couche B1).
A partir de là, sa forme pointue permet d'avancer qu'il s'agit d'un coprolithe de carnivore : renard (?) ou chien (?).
Autre possibilité moins évidente, sa forme étant très légèrement vrillée, il peut s'agir du coprolithe d'un gros mustélidé : blaireau peut-être.
La carbonisation a également détruit presque entièrement le contenu sporo-pollinique. De plus, pour éviter sa destruction, quelques mm3 seulement ont été prélevés.
La préparation chimique a fait appel à une liqueur lourde : la solution de Thoulet.
L'analyse totale du culot obtenu après cette préparation n'a donné que 20 pollens déterminables : deux Betula, cinq Corylus, un Pinus, six graminées, deux cichoriées, un Artemisia, un rubiacée, un céréale, un Rumex et un pollen indéterminable.
Un nombre aussi faible ne permet pas de proposer de conclusions sérieuses. Il faut noter simplement que les herbacées sont légèrement dominantes (12 pollens/20).

 

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Tableau 1. Analyse pollinique des 23 échantillons de coprolithes de B3. Lorsque le total des pollens par niveau était insuffisant les résultats sont en % sinon en nombre absolus.
Tableau 2. Analyse pollinique des 3 échantillons de coprolithes de la couche supérieure (B1). Lorsque le total des pollens par niveau était suffisant les résultats sont exprimés en pourcentages (caractères en gras), sinon ils sont exprimés en nombres absolus (caractères normaux).