Les premières expéditions furent rares, saisonnières, dépendant surtout des conditions climatiques. La raison est à trouver dans la recherche des gisements de silex et du gibier, souvent plus aisé à abattre dans un environnement peu ou pas boisé.
C'est la période du Paléolithique inférieur et moyen.
Durant le dernier interglaciaire, entre Riss et Würm, il y a plus de 100.000 ans, les affleurements siliceux du Val de Lans en Vercors furent exploités par des pré-néandertaliens du Paléolithique inférieur. Il est probable que le couvert végétal, plus discret en altitude, permettait la mise en évidence et l'exploitation aisée des filons de bon silex. Cela suppose donc une volonté de recherche de matériau, une certaine connais sance de la topographie et probablement même une approche géologique des terrains à prospecter. Si des ateliers de taille ont été découverts, on ne dispose d'aucune trace d'une occupation installée : l'activité devait être saisonnière et de courte durée.

L'Homme de Néandertal dans les Alpes

Phénomène énigmatique et encore mal expliqué est celui de l'occupation de grottes d'altitude par des Néandertaliens (Homo Sapiens Neandertalensis) du Paléolithique moyen. Plus d'une vingtaine de sites sont connus entre le Vercors et la Slovénie . Ils contiennent des outils de silex rattachés à la famille moustérienne. Certaines particularités de formes ou de dégradation par concassage avaient incité à y voir un faciès spécial appelé " moustérien alpin ". Actuellement la seule originalité retenue est que ce Moustérien se retrouve toujours dans des grottes élevées (de 700 à 2400m), parfois d'accès difficile et qui ont toutes servi de repaire au grand Ours des Cavernes (Ursus spelaeus). Homme et animal
partageaient les mêmes abris à des moments différents de l'année, sans gêne réciproque.
Le "culte des ours" qui fut autrefois recon nu, en Suisse au Drachenloch
en particulier, ne semble pas se confirmer d'après les études récentes.
Aucune trace de chasse de ce grand plantigrade ne fut jamais mise en
évidence. La faune chassée comporte partout le cerf, le bison, l'aurochs,
le bouquetin, le chamois et parfois le sanglier.

Les occupations furent brèves et très rares car elles s'étalent plus de
quarante millénaires (de 80.000 à 35.000). Une exploitation des gîtes
de silex doit être aussi envisagée car le matériau local, silex ou quartzite,
était toujours utilisé pour leurs outils.
Là encore, quelques hommes de Néandertal ont fait preuve d'intrépidité
et de bonnes connaissances de l'espace et de ses ressources pour
s'aventurer dans les massifs, souvent loin des régions où il vivait
habituellement.

L'Homo Sapiens Sapiens et la fin de la glaciation du Würm

Durant la deuxième partie de la dernière glaciation (Würm), les Homo Sapiens Sapiens prennent possession de l'Europe et dès que le climat le permet, à la fin du Würm, les massifs préalpins des Alpes occidentales attirent pêcheurs, chasseurs et trappeurs.
Le reste de l'arc alpin reste encore pratiquement ignoré, à part de très rares sites possédant des restes du début du Paléolithique supérieur, vers -30 000, dans quelques grottes du nord de la Vénétie avec de l'industrie chatelperronienne (grottes de Ponte di Vera, près de Prun et du Ripario Tagliente) et d'un atelier de taille en Vercors, récemment découvert, de technique aurignacienne. Aurignacienne aussi serait quelques occupations en Slovénie, en particulier à la grotte de Potocka qui s'ouvre à 1.700m d'altitude ou à Mokriska Jama à 1.500m.

Les Magdaléniens et les Aziliens, derniers chasseurs de rennes

Il faut attendre la fin des temps glaciaires, le réchauffement progressif, bien que discontinu et la déglaciation quasi complète pour voir aborder les massifs préalpins français par les chasseurs de la fin du Paléolithique supérieur, à partir de 12.000 av. J.C. Ce phénomène n'affecte que les Alpes occidentales ; ni la Suisse, ni l'Italie, ni l'Allemagne ne connaissent des incursions aussi profondes dans les montagnes.
Attirés probablement, eux aussi, par les ressources en silex, ils ont trouvé pendant trois à quatre millénaires des terrains de chasse spécifiques à l'intérieur des massifs préalpins ou à leur pied (Vercors, Chartreuse, les Bornes) et les grandes cluses qui les séparent (cluse de Grenoble, du Rhône à Pierre-Châtel), sans jamais pénétrer plus avant à l'intérieur des massifs centraux, que le froid encore vif rendait probablement trop inhospitalier.
En Suisse les Magdaléniens sont toujours restés en dehors des massifs, campant dans des grottes au pied du Salève, près de Genève à peu de distance du Rhône.

Partout ils retrouvaient sur les hauteurs une faune abondante et des torrents poissonneux ; tous ont installé leurs campements estivaux près de l'eau. Les oiseaux d'espèces arctiques et alpines ont été très chassés comme le gibier (surtout le bouquetin et la marmotte, plus rarement le renne, le chamois et le cerf, etc.) ; certains ont pu concevoir, à ces époques, l'extermination de certaines espèces qui pourraient, encore actuellement, être présentes dans ces régions.

Le réchauffement du climat se poursuivant, à partir de 10.000 av. J.C. les plaines circumalpines voient leur couvert végétal se densifier. Les chasseurs aziliens montent dans les mêmes régions, superposant leurs outils et leurs foyers à ceux de leurs prédécesseurs magdaléniens car ils recherchaient les mêmes abris dans des temps au climat encore peu clément.
La pêche est toujours pratiquée mais aussi des chasses particulières dont celle de la marmotte, abattue en grand nombre pour les peaux (1.200 individus dans la grotte de la Passagère à Méaudre...). En Suisse, dans l'Alpenzell, près de la grotte du Wildkirchli et à Landgrütti (Schweiz) à 890m d'altitude, bouquetins et
chamois attirent des chasseurs saisonniers.

Le coeur des Alpes n'est pas atteint et les grands cols ne sont pas encore pratiqués, à une exception près pourtant. Dans les Hautes-Alpes un habitat de plein air à Vitrolles, sur le bord de la Durance, possède un outillage de type gravettien tardif identique à celui habituellement rencontré dans toute l'Italie du Nord, alors que les sites dont nous venons de parler relèvent de la culture magdalénienne ou azilienne inconnues à l'est des Alpes. Le col du Montgenèvre a donc été franchi vers 10.000 av. J.C. par quelques chasseurs venant de la plaine du Pô.

Les derniers chasseurs dans les Alpes

Les temps glaciaires sont révolus et commence l'Holocène avec les séquences climatiques reconnues par les analyses de pollens : Préboréal (de -8200 à -6800) et Boréal (de -6800 à -5500). Les Alpes se font plus attractives avec une abondance de gibier sous un climat qui s'adoucit.
Aux VIIe et VIe millénaires av. J.C. se développe de chaque côté de l'arc alpin, pendant le Mésolithique une civilisation caractérisée par ses petits silex de formes géométriques. Les chasseurs de petit gibier (oiseaux, rongeurs) installent des campements au-dessus de la limite de la forêt (presque indentique à celle d'aujourd'hui) soit en plein air soit à l'abri de gros rochers, souvent près des cols, des voies de passage et aussi sur les gisements de silex. Mal connus, il y a encore quelques années, les découvertes se multiplient tant en France (Chartreuse, Vercors, massif du Taillefer) qu'en Italie (Dolomites, Trentin) ou en Suisse dans le Simmental (Oberland bernois), où les sites se comptent par plusieurs dizaines au-dessus de 1.500m.

Dans les vallées, quelques grottes ou abris possèdent à des altitudes plus basses (300 à 600m) des couches accumulées avec foyers, silex mésolithiques et faune sauvage.

 

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Outillage en silex du Paléolithique inférieur du Val de Lans en Vercors
Outillage moustérien du Paléolithique moyen, trouvé dans une grotte du Vercors.
Outillage magdalénien en silex du Paléolithique supérieur.
Saint-Roman, Isère.
Mandibule de marmotte portant des stries horizontales dues au silex qui a coupé le muscle masticateur
Le Mésolithique est la période intermédiaire entre celle des chasseurs du Paléolithique et le début des agriculteurs-éleveurs du Néolithique.
Au temps des plus anciens chasseurs, la recherche du silex.
Les chasseurs du Mésolithique ont fait halte au pied des blocs, entre le VIe et le Ve millénaires av. J.C., dans cette prairie de l'Aulp du Seuil, à 1700m d'altitude, à St Bernard du Touvet, en Chartreuse. (Cliché P.Bintz)
L'HOMME A LA CONQUÊTE DE L'ARC ALPIN
par Aimé Bocquet

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L'homme de Néandertal

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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